Vous vous rappelez la question de ma fille, si on allait tous vivre bientôt ensemble, Valentin, Camille, elle et moi ? Eh bah… Ça a fait son petit bout de chemin dans ma tête, depuis. Je me suis même surprise à nous imaginer, tous les quatre, dans cet appartement. Il est grand, il peut facilement nous accueillir tous. Mais… on n’a encore jamais abordé le sujet, avec Val. Je pensais que ça allait venir, comme le reste, mais pour la première fois, je me sens… impatiente. Impatiente de partager mon quotidien avec lui, impatiente de m’endormir et de me réveiller à ses côtés…
Je secoue la tête pour me remettre les idées en place et remue les œufs brouillés qui sont en train de cuir dans la poêle. Pour l’instant, c’est toujours lui qui a pris les initiatives importantes. Et j’avoue que j’aimerai… faire de même, pour une fois.
Il doit passer, aujourd’hui. Est-ce que… est-ce que j’aurai le courage de lui en parler… ?
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J’ai essayé toute à l’heure de noyer mon stress et de prendre du courage de la manière la plus efficace que je connaisse, en attendant son arrivée.
Mais maintenant que me voilà au moment fatidique, je remarque que ça n’a marché qu’à moitié… J’ai le cœur qui tambourine à fond, et j’ai un nœud dans l’estomac. Bon, allez, j’me lance… Nous sommes actuellement assis sur le canapé du salon, à discuter. Je lui attrape les mains, et le regarde dans les yeux.
« Valentin, j’ai quelque chose à te demander. Tu as le droit de dire non, bien sûr.
— Tout ce que tu veux.
— Attends avant de dire ça… »
« Hm. Voilà. J’y pense depuis quelques semaines déjà. Depuis ma conversation avec Aegis, en fait. Elle m’a… elle m’a demandé si on allait bientôt vivre tous ensemble, tous les quatre. Sur le moment, je n’ai pas trop su quoi lui répondre, mais…
— Est-ce que tu es vraiment en train de me proposer ce que je pense que tu me proposes ? »
Je détourne un instant les yeux et me racle la gorge.
« Probablement, oui. Est-ce que… est-ce que tu voudrais venir vivre ici ? Avec Camille ? »
J’essaie de décrypter son expression, mais c’est pas facile, j’ai jamais été très forte à ça. Cependant, lorsqu’il me sourit, je me dis que ça ne doit pas être une mauvaise chose…
« Il faut que j’en parle avec Camille, alors la réponse que je vais te donner n’est peut-être pas définitive, mais… Oui, bien sûr. J’aimerais beaucoup. »
Mais je ne peux pas m’empêcher d’insister. C’est que j’ai pas mal réfléchi à la question…
« Tu es sûr ? Non parce que… Je sais que tu es assez… soigné, comme mec. Et moi je suis plutôt… Euh… Bordélique. Et flemmarde avec les tâches ménagères. Ça risque de t’énerver…
— Hahaha, ne t’en fais pas Lana, je devrais pouvoir m’accommoder, si jusqu’ici ça ne m’a pas dérangé. J’y ai aussi pas mal réfléchi de mon côté, si tu veux savoir. Mais je ne voulais pas te brusquer. »
Sans plus attendre, je le prends dans mes bras.
« Merci de ta prévention. Mais je suis prête, je te l’assure. Je t’aime, Valentin.
— Moi aussi je t’aime, Lana. »
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Il a fallu pas mal de préparations avant de pouvoir les accepter chez nous. Déjà, Val a dû en parler à Camille. Bon, c’était la partie la plus simple, puisque celui-ci s’est montré très enthousiaste. Ensuite, il a fallu mettre leur maison en vente. Ça a été un peu plus long, puisqu’en plus il fallait faire le tri pour savoir ce qu’ils emmenaient avec eux. Résultat, pas grand-chose, comme mon appartement est déjà bien fourni. Et puis il a fallu aussi refaire la chambre des enfants ! Eh oui, pas la place d’une deuxième chambre, donc les petits vont devoir se contenter d’un même espace pendant un temps. Mais bon, ils sont jeunes, et ça n’a pas l’air de les déranger…
Voici un aperçu du résultat. On a tout agencé avec eux, et ça leur convient !
Maintenant, il s’agit de prendre ses marques.
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Je me demandais si Camille allait réussir à s’adapter facilement, puisque ce n’est jamais facile de changer ses repères du tout au tout, surtout pour un enfant, mais il a l’air de plutôt bien le vivre. Il nous fait des pitreries dès le petit-déjeuner, donc j’imagine qu’il va bien… !
A cause de mes horaires spécifiques, ça arrive souvent que les enfants soient seuls avec Valentin, et Aegis m’a redit qu’elle le trouvait cool. J’avais peur que ça change, je ne sais pas ce que j’aurai fait si ma fille ne s’entendait pas avec mon compagnon… la peur de tout parent étant séparé du père ou de la mère de leur enfant, j’imagine. Mais non, tout va bien ! En plus, comme il est prof, elle est ravie quand il les aide à faire leurs devoirs, elle a l’impression d’apprendre plein de choses, d’après ce qu’elle me dit.
Camille râle un peu plus pendant ces « sessions » mais il se prête au jeu sous le regard bienveillant de son père et celui taquin de ma fille. D’ailleurs, je me demande si lui m’apprécie au même titre qu’Aegis apprécie Valentin… j’ai l’impression que oui, mais bon, on ne sait jamais.
« Alors t’es trop forte en fait si tu gagnes ta vie en faisant du foot ! Comment c’est trop stylé ! Bon, j’aime pas tellement le foot, mais c’est trop stylé quand même. »
… Il est attachant ce gamin, je dois dire. Ah d’ailleurs, je vous ai pas dis, mais ça y est, j’ai intégré l’équipe nationale ! Leur entraîneuse a assisté à un de mes matchs, et apparemment je lui ai tapé dans l’œil. Enfin, c’est ce qu’elle m’a dit, en tout cas. Du coup il ne manque plus que des formalités administratives, et j’aurai officiellement changé d’équipe ! Je suis trop contente. La pression vient de monter d’un cran, mais c’est ça qui est fantastique aussi !
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Mais la vie n’est pas spécialement de tout repos non plus. Une nuit, alors que nous dormions tous profondément, une créature surnaturelle s’est introduite chez nous. J’ai vaguement eu conscience de me lever et de sentir des crocs pénétrer la chair de mon cou. J’ai aussi entendu un « Bas les pattes ! », puis, plus rien…
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J’ouvre les yeux difficilement. Nous sommes au milieu de la nuit, si j’en crois l’absence totale de luminosité à l’extérieur, mais je sens une présence étrangère dans la pièce. Instinctivement, je me redresse brusquement et manque de lâcher un cri lorsque je vois Lana… et…
Oh mon Dieu !!
« EH ! QU’EST-CE QUE VOUS LUI FAITES ?! »
Mais la créature m’ignore totalement, continuant de… sucer le sang de Lana ? Mais… ! Je me précipite, totalement paniqué, dans dressing et fouille partout, espérant pouvoir trouver quelque chose qui aidera Sélana. Et là, en haut de l’étagère, je trouve un étrange… pistolet ? Qu’est-ce que ça fait là… ? Tant pis, je poserais les questions plus tard ! Je sors en trombe de la pièce et m’aperçois que je risque de toucher Lana si je tire d’ici. Je prends mon courage à deux mains et je contourne le vampire avant de lui mettre mon nouveau jouet dans son champ de vision :
« Ça va, j’te dérange pas ? Bas les pattes ! »
Avant de tirer. Woh, c’est trop bien ce truc… Elle est vraiment congelée ?
J’entends un bruit sourd et tourne la tête, avant de me rendre compte que c’est Sélana qui est tombée de tout son poids sur le sol. Oh non… !! Elle n’est pas… Non… Pas encore… Je me penche et tâte d’une main tremblante sa gorge pour trouver un pouls. J’ai d’horribles flashs de mémoire qui me reviennent… Non, non, non… Après quelques essais infructueux, je finis par le sentir, me détendant instantanément. Elle s’est juste évanouie… Je ne sais pas ce que j’aurai fais si… Ah, peu importe, le pire n’est pas arrivé…
Elle… Elle bave un peu par terre. C’est trop mignon… Bon, je ne vais pas la laisser là, elle va se faire mal au dos. Je la prends délicatement dans mes bras et la recouche dans le lit. Alala, tu m’as fais une de ces frousses ma belle… Je n’aurai probablement pas survécu à une nouvelle perte aussi horrible.
Je soupire et décide de prendre un bouquin afin de surveiller ce monstre gelé. Ouais, j’le sens mal de me recoucher avec ce truc dans ma chambre…
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Lorsque je me réveille, je suis au chaud dans les couvertures, mais je me sens épuisée. Et j’ai une douleur lancinante dans le cou, aussi… Je tourne la tête et aperçois Valentin, allongé contre l’oreiller, un livre ouvert sur les genoux.
« Qu-Qu’est-ce qui s’est passé… ? demandé-je faiblement. »
Il tourne rapidement les yeux vers moi et un sourire illumine son visage.
« Oh, Lana ! Je suis rassuré… Comment tu te sens ?
— Bizarrement fatiguée… Et j’ai mal au cou…
— Ah… Oui… C’est sûrement à cause d’elle… »
Il me montre l’autre côté du lit, alors je me redresse et me tourne. Là, devant moi, se trouve une… personne… emprisonnée dans de la glace. Que…
« C’est un vampire. Je l’ai congelée avant qu’elle ne te vide de ton sang, apparemment, m’éclaire-t-il en me montrant le pistolet à éléctroparticules de mon arrière-grand-mère qui se trouve sur ma table de chevet. »
Oh. Il… Il m’a sauvé la vie ? Sérieusement ? Ça me rend toute chose, dis-donc…
Je lui jette un regard et un sourire tendancieux, mais j’ai mieux à faire pour l’instant. Je me lève tant bien que mal, mais me rends assez vite compte que mes forces me reviennent une fois debout. Tant mieux. Je commence à casser la glace en donnant des coups dedans.
« Arrête, Lana, qu’est-ce que tu fais ?!
— Je vais lui montrer ce qu’il en coûte de s’attaquer à nous… »
La glace finit par se rompre.
« Alors, comme ça, on rentre chez les gens pour leur sucer le sang ? C’est pas très sympa ça ma bonne dame !
— Eh, il f-faut b-bien que je m-me n-nourrisse, hein ! répond-elle alors qu’elle claque encore des dents à cause du froid.
— C’est ça ouais ! »
« Y’a des enfants dans cette baraque j’te signale ! Tu crois que je vais te laisser partir bien gentiment ? Tu te goures !
— Mais enfin… Je suis un vampire, vous ne faites pas le poids…
— Ah ouais ? C’est ce qu’on va voir… ! »
J’aperçois Valentin qui regarde la scène, très inquiet, mais il me donne encore plus de force. Tu vas voir chéri, je vais te montrer comment on met un vampire par terre… !
Et voilà le travail !
« Que je te reprenne plus à venir rôder dans le coin ! Toi ou tes congénères, d’ailleurs !
— O-Oui madame… »
Et sans demander son reste, elle s’enfuit en courant.
« Wouah… Lana… Tu… Tu es fantastique… »
Serait-ce du désir que je vois dans ses yeux… ? Je m’approche de lui avec un sourire coquin aux lèvres avant de prendre sa main et de déposer un baiser dessus.
« Merci de m’avoir sauvée, mon amour…
— C’est bizarre, mais j’ai l’impression que c’est moi qui viens d’être sauvé, là… c’est normal ? »
Peu importe… on a fêté ça dignement sous la couette ! Et comme on débordait tous les deux d’adrénaline, c’était… explosif !
Mais affronter la journée de demain risque d’être moins marrant… En tout cas, merci, arrière-grand-maman, tes inventions portent encore leurs fruits !
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