La vie poursuit son cours, et bientôt, ça fait déjà un an qu’Aegis est née. Ça fait un moment que je repousse les travaux à faire dans ma fameuse pièce sans utilité (qui en aura bientôt une, vous voyez bien…), mais il va vraiment falloir que je m’y mette bientôt ! Sinon la miss va avoir l’âge de marcher qu’elle n’aura même pas de chambre à elle.
Sauf qu’à penser au début de la vie de ma fille, j’en oublie de penser à la fin de celle de… mes parents. Je viens d’avoir ma mère au téléphone. Elle est dévastée.
Papa…
Papa est décédé, ce matin. Crise cardiaque.
J’abandonne tout ce que j’avais prévu de faire et me rends chez eux aussi vite que je le peux, après avoir déposé Aegis en urgence chez Sonia et Laura. La première que je vois, c’est Albae, qui est aussi dans un état de détresse absolu.
« Lana !! »
Elle se jette dans mes bras immédiatement, et on se met à pleurer, l’une comme l’autre… C’est tellement… soudain. Une crise cardiaque, en plus ? Pour un sportif comme lui ? J’ai du mal à y croire…
« I-Il est où… ? demandé-je en hoquetant. »
Albae me lâche en reniflant et part chercher l’urne qui avait été temporairement déposée sur le bureau. Elle la place par terre, devant la cheminée, et la voir rend tout beaucoup plus réel, me faisant repartir dans une crise de sanglots.
« P-Papa… ! »
Nous restons un moment devant l’urne, puis je remarque je n’ai pas encore vu maman.
« Elle est en haut. Elle… Elle ne le vit pas très bien, tu t’en doutes… »
Je lève les yeux vers l’étage et décide d’aller la voir. Je toque à la porte de sa chambre en m’annonçant, et lorsqu’elle en sort, je vois ses yeux rougis et gonflés à force d’avoir trop pleuré. Je la prends contre moi sans rien dire, et on reste comme ça, dans les bras l’une de l’autre, pendant plusieurs minutes, pleurant en silencieusement.
Puis, elle finit par prendre la parole.
« Merci d’être venue aussi vite, ma chérie…
— C’est normal, maman…
— Tu… Tu as pu faire garder Aegis ?
— Oui, Sonia et sa copine s’en occupent, je leur fais entièrement confiance.
— Bon, très bien… »
Elle vient de perdre l’amour de sa vie, mais elle s’inquiète quand même pour moi et ma fille. Décidément… Ils faisaient la paire, avec papa. Même si lui, ses inquiétudes étaient plus… énergiques, on va dire.
Je reste encore un peu avec elles, pour qu’on se soutienne mutuellement avant de replonger dans notre quotidien. Malheureusement, je ne peux pas rester bien longtemps, puisqu’il faut que je récupère Aegis. Je leur fais promettre de m’appeler et de passer à la maison s’il y a le moindre souci. Et une fois que je suis sûre d’avoir vu au moins un sourire sur leurs visages à toutes les deux, je rentre à San Myshuno.
•
On dit souvent que le temps passe très vite quand on devient parent ; qu’on a à peine le temps de voir son enfant grandir, que ça y est, il marche déjà sur ses deux jambes. Eh bah… Je ne vais pas faire partie des gens qui vont réfuter cette affirmation, et je pense que Théo encore moins !
J’ai mis du temps à me faire au décès de papa. D’autant plus que maintenant, je m’inquiète pour maman. Pour l’instant, elle va bien, mais ça n’est très certainement pas amené à durer… Mais en tout cas, j’ai un petit monstre à la maison qui m’occupe bien, maintenant… !
Eh oui, Aegis est déjà en âge de marcher ! Même si elle ne fait pas ça très bien, pour l’instant. Et elle a aussi découvert les joies du pot. Enfin, les joies… Vu sa tête, je crois qu’elle préfèrerait porter des couches encore un peu.
Un soir, alors que, comme souvent, j’attends qu’elle ait fini de faire ses besoins sur le pot, je reçois un appel d’Albae. Lorsque j’aperçois son nom sur mon téléphone, je sais ce qu’elle va m’annoncer, et mon estomac se tord, tandis que mon cœur s’accélère. J’ai presque envie de ne pas décrocher, mais ça ne ferait que retarder l’échéance. Et puis… ma petite sœur a besoin de moi.
« Allô ?
— Lana…, sanglote-t-elle au téléphone.
— Ne pleure pas, ma belle, je suis là… Respire… C’est… C’est maman… C’est ça ?
— Ou-Oui… J-Je suis rentrée du travail et… Uh… »
Je me force à maintenir une expression plutôt neutre pour ne pas faire paniquer Aegis qui me regarde curieusement. Et c’est pas facile, avec les pleurs d’Albae qui résonnent dans mon oreille.
« Tu… Tu veux venir à la maison ?
— D-Demain, peut-être, oui… Là je… je vais… passer un peu de temps… près de son urne… Merci, Lana…
— Hm… On s’y attendait. Elle a eu une belle vie. Ils ont eu une belle vie, tous les deux.
— Oui… Tu sais, je crois qu’elle ne s’est jamais remise du décès de papa. Même après plus d’un an…
— Je crois aussi. Mais c’est normal, je pense. Ils se sont vraiment beaucoup aimés…
— C’est sûr, répond-elle en riant légèrement. Je… Je vais te laisser. J’apporterai les deux urnes avec moi, demain. On pourrait… On pourrait aller les mettre au cimetière familial ?
— C’est une très bonne idée.
— A demain alors Lana.
— A demain Alby. »
Je raccroche et m’occupe d’Aegis, tout en continuant de batailler avec mes émotions qui veulent sortir. Je la prends ensuite dans mes bras, et je ne peux pas m’empêcher de la serrer un peu plus fort contre moi. Je crois qu’elle sent que quelque chose ne va pas, puisqu’elle affiche une tête toute triste. Je craque un peu plus…
Mais je ne verse pas de larmes. Pas encore. Je la mets en pyjama et réussit à lui lire une histoire sans craquer. Je suis plutôt fière de moi, pour le coup.
Mais dès qu’elle dort, je file dans ma chambre et me glisse dans les draps pour pleurer… encore, et encore… Pour maman surtout. Mais pour papa encore un peu aussi.
Le lendemain, je me réveille avec un affreux mal de tête. Mais Albae va venir, il faut que je me prépare.
On n’est jamais préparé à la mort, même pas à celle de nos vieux parents…
Je réussis à être à l’heure, et Aegis est en train de manger dans sa chaise haute lorsqu’Albae arrive.
Elle a l’air d’aller un peu mieux qu’hier. Enfin… En tout cas, elle ne pleure plus.
« Il ne faut pas qu’on tarde, c’est ça ?
— Oui, Oasis Springs n’est pas tout à fait la porte à côté.
— Ok. On emmène la petite ?
— Non, j’ai réussi à m’arranger avec la crèche pour qu’il la prenne plus tôt aujourd’hui. Je n’irai la chercher qu’en rentrant du travail tout à l’heure.
— D’accord. »
•
Et voilà. C’est fait. Papa et maman peuvent enfin reposer ensemble… près de la famille.
Nous sommes restées un peu pour nous recueillir, autant auprès d’eux, qu’auprès de nos grands-parents et nos arrière-grands-parents.
« Eh, Lana, tu te rappelles quand papa t’as fais une scène parce qu’il t’a surprise en train d’embrasser Elliot sur le canapé du salon ?
— Olala, m’en parle pas… J’me demande ce qu’il avait bien pu manger ce jour-là, il a fait fort quand même ! »
« Moi il m’a jamais embêtée avec mes petits-copains, hein… Bon, en même temps, il m’a jamais vu en embrasser un seul, mais quand même, il le savait.
— Ah bah il avait bien compris qu’il subirait les foudres de maman s’il recommençait… mais je suis sûre qu’il était en train de réfléchir à diverses façons de se venger d’eux s’ils te faisaient du mal, tout seul dans son coin.
— C’est bien le genre, en effet… »
Ça nous a fait du bien de parler avec désinvolture du passé comme ça. Enfin, en tout cas, ça m’a fait du bien à moi, et je suis sûre qu’à Albae aussi. Elle m’a raconté diverses anecdotes de papa essayant d’obtenir des informations sur le garçon qu’elle voyait à tel ou tel moment. Il a jamais vraiment changé, il a juste fait ça discrètement, par la suite…
Je me rappelle soudain de quelque chose que j’avais prévu de faire, aussi.
« Ah, au fait, Alby.
— Hm ?
— Tiens, c’est pour toi.
— Hein ? Une clé ? On a un coffre-fort blindé de simflouz dont on ne m’a pas parlé ?
— Mais non idiote, réponds-je en riant. C’est la clé de chez moi. Si jamais tu as besoin, tu peux venir à n’importe quel moment de la journée et de la nuit. Ok ? »
« Oh… Lana… Tu n’es pas obligée, tu sais.
— Tu es ma petite sœur adorée, c’est normal.
— Merci beaucoup, j’en ferais bon usage, promis. »
« Tu as décidé ce que tu allais faire, maintenant ? Je sais que tu travailles déjà, mais… tu vas rester dans la maison de papa et maman ?
— Non, je ne pense pas, ça va me rappeler trop de souvenirs… Si tu veux bien, j’aimerai qu’on la vende.
— Moi ça me va, mais il va falloir trouver un acheteur pour la fusée de papa…
— Ça devrait pouvoir se faire ! »
Eh bah, on va en avoir des choses à faire, dans les prochaines semaines…
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