« Et voilà, je crois qu’on a tout terminé ! »
Le jour J est arrivé bien plus vite que prévu. Je n’ai pas tardé à parler de l’appartement à mes parents, et ils ont été ravis que je souhaite prendre mon indépendance. Non pas qu’ils voulaient me voir partir de la maison, mais je pense qu’ils devaient s’attendre à ce que ça arrive un jour ou l’autre, et le fait d’avoir une date les a probablement soulagés d’un poids. Enfin, je dis ça, mais ils en avaient probablement marre que je ne débarrasse jamais la table ou que je laisse mes fringues sales trainer partout… héhé.
Ils ont choisi ce moment pour prendre tous les deux leur retraite, afin de m’aider à préparer mon déménagement. Je leur ai assuré que ce n’était pas la peine, s’ils voulaient continuer à travailler, mais vous commencez à les connaître, hein, têtus comme des mules… surtout papa.
Enfin bref… Aujourd’hui, c’est jeudi, et on vient tout juste de mettre la touche finale à l’appartement. Ça nous a pris toute la matinée et une bonne partie de l’après-midi, mais au moins, c’est fait ! Je n’avais pas grand-chose à moi, et il y avait déjà pas mal de meubles laissés par l’ancien locataire, mais quand même ! On vient de monter les derniers objets, là. D’où les manteaux…
« Merci beaucoup maman, papa, vous m’avez été d’une grande aide… J’espère que vos dos ne vont pas trop vous faire souffrir, héhé… »
« Non mais dis donc jeune fille, on n’est pas en si mauvais état que ça ! s’exclame mon père en riant, tout en me rendant mon étreinte, alors que ma mère sourit, amusée. »
Je ne me lasserai jamais de l’embêter, c’est trop facile. J’aurais bien aimé qu’Albae soit là, mais bon, le lycée c’est important aussi !
« Bon, allez, on rentre voir ce que ça donne tout ça ! »
J’ouvre grand la porte et les invite à rentrer. Je ferme ensuite et observe leur réaction.
« On a quand même fait du beau travail en si peu de temps, hein mes chéris ?
— Ah ouais, ça c’est sûr… ! répond papa, les yeux pétillants. »
Franchement, je suis très contente des goûts de la personne qui habitait là avant ! Les meubles de cuisine sont tops. On a tout arrangé à ma sauce, mais il y avait déjà une bonne base.
Ce qui m’a séduit dans cet appartement, c’est que la cuisine, la salle à manger et le salon sont une seule et même grande pièce. Ça donne une sensation d’espace vraiment super agréable, alors que bon, c’est un appartement, quoi. Même si, nous sommes d’accord, il n’est pas petit.
Malgré mes très nombreuses protestations, papa et maman ont absolument tenu à m’acheter plein de meubles, d’ailleurs… Dont cette monstrueuse télévision… Il faudra que je la mette à profit pour la rentabiliser, hein ! ‘On a les moyens !’ qu’ils ont dit. Ouais, mais c’est pas une raison ! Enfin bref… Ma chambre est aussi très spacieuse, et avec un dressing, vous y croyez, vous ?! Et la vue que j’ai de mon bureau sur le quartier des arts est fantastique.
Et puis, bien sûr, ce ne serait pas mon appartement sans une pièce entièrement dédiée au sport ! Là aussi, ils ont voulu tout acheter, et pour le coup, je n’ai pas dis non, héhé.
On ne retourne pas dans la salle de bain pendant notre petit tour. Elle est jolie, mais rien de particulier à l’intérieur. Il reste une pièce dans la maison dans laquelle pour l’instant j’ai mis du bazar (c’est-à-dire tout ce dont je ne connais pas encore l’emplacement définitif), et des affaires de nettoyage, ainsi que mon vélo, cadeau de papa pour mon départ. ‘Tu en auras besoin pour te déplacer en ville !’ Mouais… Ils me gâtent, vraiment…
Il y a quand même beaucoup de choses ! Mais en même temps, une journée pour tout ranger, c’est trop peu. Et puis, cette pièce n’a pas vraiment d’utilité, pour l’instant, alors autant qu’elle serve… Il faut que je réfléchisse à ce que je pourrais en faire, d’ailleurs.
On s’installe ensuite pour discuter un peu plus.
« Vous viendrez me voir avec Albae, hein ?
— Évidemment, pour qui tu nous prends ?
— Ah non mais je vérifie, on sait jamais… Promis, j’essayerai de faire en sorte que ça soit toujours… plus ou moins rangé.
— En voilà une bonne nouvelle ! s’esclaffe mon père. »
Non mais celui-là alors… Il me le rend bien, en fait.
Je lui lance un regard faussement vexé avant de rire aussi. Ah bah je les connais mes défauts, c’est sûr… Tenir un appartement va être un vrai challenge pour moi ! Mais je ne me laisse pas facilement abattre non plus, alors… ça devrait le faire, héhé.
•
Je prends mes marques tout doucement, mais pour l’instant je n’ai pas trop eu l’occasion d’aller visiter le quartier. J’ai eu pas mal de travail. Si je veux me faire repérer pour espérer entrer dans l’équipe nationale, il faut que je mette les bouchées doubles ! Cependant, aujourd’hui, j’ai envie de découvrir un peu l’endroit où je vis. Et puis, mine de rien, il est grand, mon appartement, et je sens vite seule dedans…
Je décide de descendre et d’aller, au hasard, à la galerie d’arts. Beh oui, c’est le quartier des arts, il faut bien que je colle avec le thème, non ?
Bon. Par contre, je n’y connais rien, en arts. Je me poste devant la première peinture de la galerie et observe.
Je pense que je suis censée voir quelque chose… mais quoi… ? Je ne peux pas m’empêcher de sourire. Ça n’a jamais été mon truc, je dois avoir l’air d’une imbécile !
« Vous ne trouvez pas qu’on dirait San Myshuno en plein été ? »
Je mets un quart de seconde à me rendre compte que quelqu’un s’est placé juste derrière moi et a dit cette phrase, me faisant sursauter. Je me tourne vivement, et aperçoit un jeune homme à la chevelure rousse flamboyante. … Il me dit quelque chose…
« Hahaha, pardon, je vous ai fais peur ? Excusez-moi, ce n’était pas du tout mon intention !
— N-Non, vous ne m’avez pas fait peur, vous m’avez juste… surprise. »
On se regarde quelques secondes, une gêne s’installant lentement. Mais j’ai vraiment l’impression de l’avoir déjà vu…
« Désolée, mais… on s’est déjà vu, non ? Vous avez un visage qui m’est familier.
— Oh, vous ne vous rappelez pas ? Vous vous souvenez, je suis le type du bar qui s’est fait planter par ses potes comme un looser. »
Le déclic se fait dans ma tête.
« Oooooh ! Mais oui ! Pardon, je suis un peu lente, des fois…
— Il n’y a aucun problème ! J’avoue avoir eu une manière peu conventionnelle de vous approcher, mais je n’ai pas résisté, haha. »
Je ris aussi, et je ne peux m’empêcher de le trouver très charmant.
…
Attendez, stop. A quoi je pense moi ? Sélana, tu es en couple, rappelle-toi…
Mais j’ai dû laisser transparaître quelque chose puisqu’il me demande si tout va bien.
« Oui, pardon, j’ai eu la tête ailleurs un instant. Hum… Vous venez souvent à la galerie d’arts ? »
J’affiche un sourire un peu forcé, mais il ne semble pas le remarquer puisqu’il me le rend au centuple.
« Oui, on peut dire ça. Et vous ? C’est la première fois que je vous vois ici. Vous ne venez pas de Brindleton Bay ?
— Si, si. Je viens d’emménager dans le quartier, en fait. »
Ses yeux semblent s’illuminer en entendant cette information.
« Oh, vraiment ? C’est fantastique ! Comment trouvez-vous la ville, pour l’instant ?
— Eh bien… Vraiment sympa. Mais j’avoue avoir été pas mal prise par le travail, alors je n’ai pour l’instant pas trop eu l’occasion de me balader. Je suis actuellement au début de ma tentative, haha.
— C’est vrai ? Eh bien que diriez-vous d’un tour de la ville en ma compagnie ? Je fais un très bon guide, il paraît ! »
Je rêve ou il m’a fait un clin d’œil, là… ? Et pourquoi je rougis, moi ?! C’est dangereux, il faut que je dise non… Je suis trop vulnérable émotionnellement en ce moment…
« D’accord, pourquoi pas ! »
… Stupide cerveau.
« Super ! Au fait, mon prénom c’est Eric.
— Sélana.
— Très joli… On y va ? »
•
J’ai honte. Bon sang, j’ai honte ! J’ai honte, parce que j’ai passé une super journée avec Eric, et que je n’ai, à aucun moment, mentionné le fait que je n’étais pas célibataire. Alors qu’il a passé l’après-midi à me faire des compliments et à me draguer en sous-entendus… J’ai fais comme si je ne comprenais pas, mais je ne l’ai pas repris non plus… Raaah quelle idiote… Pourtant j’aime toujours Théo, c’est évident ! Non… ? J’en ai marre…
Mon téléphone vibre dans ma poche alors que je viens de m’affaler sur le canapé en rentrant. Allons bon, ce n’est quand même pas déjà Eric qui m’envoie des sms, si ? Ah, non, c’est Théo !
De : Théo :heart: – 18:23
Hey Lana !! Devine qui va enfin pouvoir se dégager du temps pour venir à San Myshuno !
Mon cœur s’accélère. Je me rends compte que je n’espérais même plus le voir avant la fin de ses études… ! Ça fait bientôt huit mois qu’il est parti, quand même… Je me dépêche de lui répondre.
A : Théo :heart: – 18:24
C’est vrai ?!! Oooh comme je suis contente ! Quand est-ce que tu rentres ?!! Dis-moi tout !!
De : Théo :heart: – 18 :24
A la fin du mois ! Je me suis arrangé, j’ai pris mes billets d’avion, tout est prêt, nous serons bientôt réunis !
A : Théo :heart: – 18:25
J’ai tellement hâte, tu ne peux pas savoir !
Mais en envoyant le sms, je sens mon cœur qui se serre. Pourquoi j’appréhende comme ça ? C’est mon copain, l’homme que j’aime, que je n’ai pas vu depuis beaucoup trop longtemps, alors pourquoi ce n’est pas de l’excitation ou de la joie, que je ressens… ?
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