C’est l’été, il fait chaud à Brindleton Bay. Un peu trop, même, je dirais. Ça tombe bien, je n’y reste pas longtemps, aujourd’hui ! En effet, j’ai rendez-vous avec Julie. Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vu, alors comme nous sommes tous les deux libres, nous avons décidé d’organiser une sortie ! Et pas n’importe laquelle. Nous retournons à Oasis Springs (oui, je sais, il y fera plus chaud qu’à BB… chut !). La ville nous manque à tous les deux, il faut l’admettre… et elle renferme plein de souvenirs ! C’était l’endroit idéal pour nous revoir après tout ce temps.
« Julie ! Comment tu vas ?
— Très bien, merci Aurèle. Et toi ?
— On ne peut mieux. Ça me fait vraiment plaisir de te voir… ! »
Nous sommes très exactement devant le cimetière d’Oasis Springs… là où sont enterrés nos grands-parents, ainsi que mon père et Tetsu. Maman est enterrée avec Sven en Suède, et les frères et sœurs de papa avec leurs conjoints respectifs aussi. Mais Julie a quand même tenu à m’accompagner.
« On y va ?
— Allez. »
J’observe un peu le lieu. C’est la première fois que je viens depuis qu’ils ont été installés ici, il y a quelques années (après la mort de Gaëlle, en fait). Il y règne une atmosphère paisible, malgré tout.
Pour rendre hommage à mon père, la mairie d’Oasis Springs a réservé pour notre famille un espace entier dans ce cimetière. Il faudra faire un choix sur qui y sera enterré, mais… aah, je laisse ce soin aux enfants de mes filles, je n’ai pas envie de penser à ça.
« Bonjour papa, bonjour Tetsu. J’espère que vous êtes heureux, là où vous êtes. Toujours aussi amoureux… »
Je ne peux m’empêcher de sourire. Quand je pense que j’ai dû les surprendre en train de se faire des mamours un nombre incalculable de fois… Ça ne m’étonnerait pas qu’ils soient toujours collés l’un à l’autre, même dans l’au-delà !
Je regarde les deux autres pierres tombales. Elles sont plus vieilles et plus érodées, mais elles tiennent encore bien debout.
« Mamie, je crois que je t’ai jamais remerciée, mais c’est toi, en partie, qui m’a donné le goût des sciences et de la vie au milieu des étoiles. J’espère que toi et papy êtes aussi heureux, en compagnie de tous vos enfants. »
« Aurèle ! »
Je me retourne vers Julie qui observe la grande statue à l’entrée du cimetière.
« Tu trouves pas qu’elle est carrément de mauvais goût… ? »
Je ris et la rejoins.
« Un peu, ouais… Allez, viens, on va aller voir des endroits un peu plus sympas. »
Elle me sourit et me suit à l’extérieur. On commence à se balader en parlant de tout et de rien. J’apprends que son groupe marche très bien, qu’ils jouent déjà dans des salles de taille assez honorables, et que les gens s’arrachent leur dernier album. Je suis trop content ! Elle a bien fait de suivre son rêve, elle est faite pour ça. De mon côté, je lui partage les récents soucis que j’ai eu avec Sélana, et elle me charrie en me disant que je suis vraiment trop un papa poule. Et elle rajoute plus sérieusement qu’il faut que je fasse attention, que ça peut vite devenir toxique comme attitude. J’entends sa remarque avec un petit pincement au cœur. Elle et Aya ont raison, il faut que je mette un peu d’eau dans mon vin, même si c’est difficile.
« Ah, tiens, on va passer par là, je connais pas du tout ce coin ! annoncé-je en prenant un chemin entre les rochers. »
Elle me suit, mais en rechignant un peu.
« Olala, mais par où tu me fais passer ? On n’a pas tous ton endurance tu sais !
— Comment ça ? Tu chantes et tu growles pendant des heures sur scène mais tu peux pas supporter deux heures de marche en montées et en descentes ? la taquiné-je.
— Arrête de te moquer ! me répond-elle en faisant une moue. »
« Roh, allez, tu trouves pas ça excitant de découvrir des endroits de la ville de notre enfance qu’on ne connait pas ?
— Si, si, vas-y, je te suis ! Juste… Moins vite que toi… ! »
Je ris et reprends la marche. On descend une grande pente, et on arrive sur un plateau. Et…
« Ah, regarde Julie ! On dirait un tunnel condamné.
— Tiens, oui, c’est étrange. »
« Tu penses qu’il y a quoi à l’intérieur ? demande-t-elle, apparemment intriguée.
— Eh bah… Le meilleur moyen de le savoir, c’est d’y entrer !
— Quoi ? Mais… Tu penses pas que ces planches ont été mises là pour une bonne raison… ?
— Pas pour m’empêcher d’entrer, en tout cas ! »
Je trottine jusqu’à l’entrée alors que du coin de l’œil je la vois lever les yeux au ciel avant de me suivre. Je m’approche et observe les planches. Elles sont très bien fixées, mais rien qui est hors de mes compétences…
« Gnnnh ! Heureusement que je suis suffisamment sportif pour pas avoir peur de forcer et de me bloquer le dos ! »
« … Est-ce que tu avais vraiment un marteau dans ta poche… ?
— … J’aime être préparé.
— Au cas où t’aurais un clou à planter de façon totalement hasardeuse ?
— Oui, bon, ça va, hein… Aide-moi, plutôt ! »
Elle rit et s’avance avant de commencer à m’aider à tirer. Bon sang, c’est pas facile ! Ah, serait-ce un craquement que j’entends… ? Julie semble entendre la même chose que moi puisqu’elle lâche tout et c’est moi qui me retrouve par terre, les planches éparpillées tout autour de moi.
« Ah bah sympa ! »
Sauf qu’elle est morte de rire. Ouais, vas-y, rigole ! Je me lève et époussète mes vêtements.
« Allez, après vous, mademoiselle ! »
« Euh, non, ça ira, merci !
— Tu as… la frousse ?
— Mais non… Juste… Oh et puis zut ! »
Elle s’avance et passe par l’entrée de la grotte. Je la suis de près, ne voulant pas la perdre de vue.
« Ouh bah il fait sombre là-dedans ! »
Pendant ce qui semble être des heures, on parcourt des tunnels et ce qui semblent être des anciennes mines, avant de finalement tomber sur une très grande grotte.
« Wouah… C’est immense ici ! m’exclamé-je en suivant Julie. »
« Ouais, et y’a pas de réseau, donc j’espère qu’on arrivera à sortir hein !
— Attends, je ramasse des cailloux… »
Lorsque je relève la tête, je la vois qui se met à courir, alors je me lève précipitamment pour la suivre.
« Attends ! Où tu vas ?
— J’ai vu de la lumière ! Viens ! »
Et là…
« Wouah… C’est magnifique… »
« Cette lumière est vraiment splendide…, commente Julie en avançant plus lentement. Merci de m’avoir poussée à entrer ici !
— Ah bah là, de rien, je me remercierai moi-même ! »
Cependant, en faisant le tour, on se rend compte qu’on ne peut pas faire grand-chose ici, à par pécher, peut-être. Mais l’écosystème y semble tellement pur, le toucher serait un sacrilège !
On prend quand même quelques photos, dont un selfie ! Bah oui, quand même… !
« Ah, non, attends, je suis pas bien là ! râle Julie. J’ai une image à tenir, moi, monsieur !
— Bon, bon, attends… Comme ça c’est mieux ?
— Parfait ! »
Et voilà, après-midi inoubliable immortalisé. J’ai hâte de raconter ça à Aya et les filles !
Nous réussissons à sortir sans trop de mal, contrairement à ce qu’on aurait pensé.
« Merci Julie, c’était trop bien aujourd’hui ! On refait ça quand tu veux !
— Tu veux dire que tu connais une autre grotte cachée à explorer ? répond-elle en riant.
— Mais non, mais c’était trop bien ! J’avais l’impression d’avoir à nouveau vingt ans ! »
« Hahaha, moi aussi j’ai beaucoup aimé cette sortie. Ça m’a fait sortir de mon quotidien de rockstar, et c’est pas plus mal !
— Arrête de te la péter !!
— Et toi, tu te la pètes jamais, Monsieur le Super Astronaute ? »
J’éclate de rire, et tout en continuant de plaisanter, nous reprenons la route vers nos voitures respectives. L’heure est venue de se dire au revoir, mais pas adieu, moi j’vous l’dis !
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