Trois semaines après notre petite escapade dans les étoiles, au sens propre comme au figuré, Aya vient me voir juste avant que je ne doive me préparer pour me rendre au travail, mon bol de céréales encore dans les mains (oui, je suis un grand enfant au niveau de mes goûts culinaires, et alors ?).
« Aurèle… Ça a marché ! On va être parents une deuxième fois ! »
« Ooh ! Vraiment ?! C’est super ! Mais je crois que je ne suis pas le seul à qui tu devrais annoncer ça… ! »
« Oui, il faut que je trouve comment le dire à Sélana… mais je ne me fais pas de soucis. Elle comprendra ! »
Le soir, Aya se rend dans la chambre de notre fille et commence à jouer avec elle à la poupée.
« Comment elle s’appelle, celle-ci, ma puce ?
— Aya, comme toi maman !
— Oh, c’est trop mignon… ! »
Sélana se perd dans son monde un peu plus, indifférente à la présence de sa mère, mais celle-ci la coupe dans sa rêverie d’enfant.
« Tu n’aimerais pas avoir un copain ou une copine pour jouer avec toi ? »
Sélana hausse les épaules.
« ‘Sais pas. Pou’quoi ?
— Eh bien… Tu sais, avant de naître, tu étais dans mon ventre. Et maintenant, j’ai un autre petit bout comme toi à l’intérieur, avec qui tu pourras jouer quand il sera né et qu’il aura grandi. »
Sélana arrête de jouer et regarde Aya, qui se lève et sourit à sa fille.
« Ah bon ? fait-elle, semblant avoir des difficultés à saisir le concept d’un nouveau membre dans la famille. »
Puis, son expression change.
« C’est t’op bieeeen ! »
Aya rit et lui explique que ça sera un petit frère ou une petite sœur, et qu’ils ne savent pas encore.
« Peux toucher ton vent’e, maman ? »
Surprise, Aya se baisse et la laisse faire, ravie que Sélana prenne bien la nouvelle. Une bonne chose de faite !!
•
Je remarque cependant que cette grossesse fatigue beaucoup plus Aya que la précédente. Elle dort beaucoup, et elle a aussi davantage de nausées.
Mais elle m’assure qu’en dehors de ça, tout va bien. Elle a été voir le médecin qui l’a rassurée, lui disant que les nausées sont un symptôme classique, et que chaque grossesse est différente. Même si elle n’en a pas eu, ou très peu, la fois précédente, qu’elle en ait beaucoup cette fois-ci n’est en rien alarmant.
Il a également vérifié que tout se passait bien dans le ventre d’Aya, et apparemment, oui. Cependant, elle a tenu à ce que le médecin ne lui révèle pas le sexe du bébé. Elle voulait juste savoir s’il était en bonne santé, ce à quoi il a répondu que oui. C’est tout ce qui nous importe !
L’automne arrive vite, et j’apprécie les petits moments de solitude que je peux trouver dans le jardin, la température n’étant pas encore trop froide. Je ratisse les feuilles en fredonnant, faisant des petits tas destinés à être brûlés ensuite.
Le matin, il fait frais, mais l’air est agréable, et manger sur la terrasse n’a jamais été aussi vivifiant.
Les arbres ne sont pas encore tous rougeoyants, mais le spectacle vaut quand même le détour.
Avant même que je ne m’en aperçoive, mon anniversaire est là, et la réalisation qui va avec… je vieillis. Aouch… ! Mais je suis heureux de ce que j’ai accompli jusqu’à présent. Papa était déjà chef du pays à mon âge, certes, mais je n’ai pas sa folie des grandeurs, et ma vie me plaît. Je vais à nouveau être papa, en plus… Tout va bien… !
On va fêter ça ce soir. En attendant, je donne le bain à Sélana.
« Alors, tu es contente d’avoir bientôt un petit frère ou une petite sœur ?
— Ouiii ! »
Je l’ai même surprise en train de poser la même question au chien.
« Et toi, Ka’en ? Tu es content d’avoi’ un petit f’ère ou une petite sœu’ ? »
Et Kallen aboie joyeusement. Je ne sais pas s’il comprend vraiment, mais en tout cas, il aime bien voir ma fille sourire, ça, c’est sûr.
Bon, comme ce n’est pas tous les jours qu’on a 40 ans, j’ai décidé de faire une petite fête et d’inviter ma famille. Mais lorsque j’ai appelé Sam pour lui proposer de venir avec ses sœurs et son père, il m’a appris que ce dernier était décédé la nuit précédente…
« Oh… Si… Si vous voulez rester entre vous, je comprendrais, je suis désolé…
— Non, non, ne t’inquiète pas… Ça… Ça nous changera sûrement un peu les idées de venir te voir… Les filles sont d’accord alors… A toute à l’heure. »
Je raccroche, déboussolée. Mon oncle Raphaël n’est plus… Sa femme, Mariko, est décédée il y a plusieurs années de cela, et ça ne m’avait pas plus touché que ça. Mais j’étais beaucoup plus proche de Raphaël… Je repense à lui et un sourire me vient. C’était un homme super, j’espère qu’il est heureux maintenant, au côté de sa femme et de son frère.
Les invités commencent à arriver quelques heures plus tard, et je rencontre pour la première fois ma cousine Julie, la fille de Gaëlle. Je l’avais déjà vue en photo, mais là c’est devenu une belle jeune femme.
« Enchantée Julie ! Ravie de faire enfin ta connaissance !
— De même, Aurèle ! Et bon anniversaire ! »
Je la remercie et vais rejoindre sa mère qui a filé en direction du salon.
« Toutes mes condoléances, tatie… Je suis là, si tu as besoin, surtout…, lui dis-je en la serrant contre moi.
— Merci mon chéri… Mais essayons d’oublier le malheur qui nous frappe, cette soirée est pour toi, et est censée être joyeuse, n’est-ce pas ? Bon anniversaire mon grand. »
Je retiens de justesse des larmes et lui embrasse la joue pour la remercier. Elle a raison, la vie continue, et j’admire son courage. Elle est la dernière de sa fratrie, ça ne doit pas être facile.
Je salue mes cousines qui se forcent à sourire, je le vois bien, mais je suis heureux qu’elles soient là.
(Judith à gauche et Amélia à droite.)
J’enlace aussi Sam qui ne semble pas beaucoup mieux, mais qui sourit aussi.
Je crois que je n’ai jamais fais autant de câlins en une soirée !!
Et finalement, après avoir salué Victor qui nous rejoint, je m’approche du gâteau. Aya est arrivée du travail entre temps, n’est-elle pas magnifique ce soir, avec son ventre arrondi et sa belle robe ?
Je souffle mes bougies. Ça y est, je suis quarantenaire… et je ne me sens pas spécialement différent… Vous voyez quelque chose, vous ? En tout cas, Victor a l’air heureux pour moi !
Aya ne reste pas davantage. Elle prend Sélana dans ses bras pour aller la coucher, et me signale qu’elle va dormir aussi, étant exténuée. Je hoche la tête et lui souris tendrement, avant qu’elle ne parte. Ensuite, on s’installe tous autour de la table pour manger un morceau.
L’ambiance est un peu morose par moment, mais je ne peux que comprendre. Les enfants de Raphaël parviennent tout de même à garder un peu le sourire, et si ça signifie qu’ils passent un bon moment, alors ça me suffit.
« Alors, Aurèle, comment va la petite Sélana ? Elle avait l’air toute joyeuse !
— Oui, tatie, c’est une vraie pile électrique, mais elle est adorable. On a beaucoup de chance avec Aya.
— Et le terme de sa grossesse actuelle est prévu pour quand ?
— Dans deux semaines. Ça va venir vite…
— Ooh, eh bien bon courage pour vous replonger dans les couches et les pleurs pendant la nuit !
— Merci, Victor…
— Papa, t’exagères… ! »
Nous rions tous.
Je ne pensais pas un jour être joyeux en étant entouré d’autant de gens, mais à croire que quand c’est la famille, c’est autre chose… !
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