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Chapitre 55

Photo du rédacteur: ongatheringsimsongatheringsims

Le lendemain matin, une des premières choses que j’ai faite c’est d’aller enlacer mon père de toutes mes forces. Il n’a pas trop compris, je crois. Après tout, il ne sait pas que je les ai entendus… Mais j’ai senti tout l’amour qu’il me porte dans cette étreinte. Et ça m’a serré le cœur encore plus.

Je devais faire peur à voir, avec les yeux rougies et gonflés… mais j’ai fais comme si tout allait bien. Il est là, bien vivant, et il est hors de question que je fasse comme s’il était déjà mort. Même si c’est pour bientôt…


Tetsu nous regarde avec le sourire. Lui aussi, je sens qu’il fait comme si de rien n’était. Parce que c’est la meilleure chose à faire, pour l’instant.

Cela dit, étrangement, cogner au marteau sur quelque chose de dur me fait du bien. Je sais que c’est l’ordre des choses, le cycle naturel de la vie, mais je ne peux m’empêcher d’être en colère, en plus d’être triste. Pourquoi maintenant ? Pourquoi pas… Dans plusieurs années ? Pour qu’il puisse venir à mon mariage ? Voir naître ses petits enfants ? Non, c’est trop demandé, apparemment…

Je vois bien qu’il est plus faible. Quand il n’est pas au travail, parce qu’il persiste à y aller, le bougre, il fait beaucoup de sieste. Son organisme ne suit plus, même moi je commence à le voir. Et je ne suis pas médecin…

Mais je crois qu’il a décidé qu’il ne m’en parlerait pas. Et je comprends. Alors je ne lui pose pas de questions non plus. Je fais, encore une fois, comme si tout allait bien. Sauf que tout ne va pas bien…


Un matin, très tôt, j’ai été réveillé en sursaut par les cris de Tetsu. Et pas les plus rassurants…


« GABRIEL ! Non ! Gaby !! Non, non, non… ! AURÈLE !! »


Même de ma chambre, à l’étage, je l’ai entendu hurler. En descendant en trombe les escaliers, j’ai été pris de nausées, et j’ai fais ce que j’ai pu pour ne pas m’arrêter pour vomir d’appréhension. Parce que je savais ce qu’il se passait…


« P-Papa… ? »


Dans mon dos, je sens une présence glacée. Je n’ose pas me retourner, mais la température de la pièce a bien chuté de dix degrés. Je frissonne dans mon pyjama.

Tetsu est tétanisé. Depuis plusieurs minutes, il ne bouge pas, comme si des liens invisibles l’en empêchaient. Et soudain, il craque. Il pleure. Fort, à gros sanglots. Suppliant on ne sait qui. Répétant le prénom de papa, et son amour pour lui.

Papa, qui lui, gît sur le sol, sans vie…



Les jours suivants sont horribles. Tetsu est inconsolable, il passe l’intégralité de ses journées dans leur chambre, sur leur lit, blotti dans son odeur, à pleurer, à s’endormir d’épuisement, puis à pleurer à nouveau en se réveillant. J’arrive tant bien que mal à lui faire avaler un peu de nourriture, mais c’est compliqué.

Je sais qu’il avait promis à papa d’être fort, pour moi. Mais je ne lui en veux pas du tout. J’ai perdu mon père, et c’est une tragédie, mais je n’ai pas perdu l’amour de ma vie. Je n’ose imaginer la douleur qu’il doit ressentir après s’être vu séparé de la personne avec qui il a eu une relation si fusionnelle pendant toutes ces années.


Tonton Raphaël et tatie Gaëlle sont venus, évidemment. Maman, aussi. Et Aya, qui a voulu être là pour moi. J’aimerais que l’un deux arrive à aider Tetsu, mais je ne sais pas si c’est possible…


Gaëlle est particulièrement adorable avec moi.


« Si tu as besoin de quoi que ce soit Aurèle, tu n’hésites pas… Il… Il faut qu’on se soutienne… D’accord… ?

— Merci… Mais… J’ai l’impression que ce n’est pas moi qui ait le plus besoin d’aide… »

Elle semble comprendre. Et vu son expression, ça ne l’étonne pas beaucoup. Elle jette un coup d’œil à son frère et Raphaël hoche la tête. Il se dirige vers la porte de la chambre, toque légèrement, et entre, refermant derrière lui.



« Tetsu… C’est moi… Tu… Tu veux bien qu’on discute un peu, tous les deux ?

— R-Raphaël… ? »


Péniblement, comme si ça lui demandait un effort surhumain, il se redresse et s’assoit sur le lit, afin que je puisse m’installer près de lui. Je ne dis rien, dans un premier temps. J’aimerai qu’il fasse le premier pas.


« Tu… Tu es venu seul ? Pardon, j’aurai dû venir t’accueillir, j’ai… »


Sa voix se brise.

Oui, je suis dévasté d’avoir perdu mon frère aîné. Mais Tetsu, c’est encore autre chose…


« Je ne suis pas seul, non. Mais ne t’en fais pas pour nous. On va s’en sortir. C’est pour toi que je m’inquiète… »


Il ne répond pas et se contente de regarder ses mains, qu’il triture à s’en faire mal.


« Aurèle m’a dit que tu ne mangeais pas… Ou très peu…

— A quoi bon ? »


Je m’attendais à cette réponse.


« Nous sommes là, Tetsu. Tu as de la famille près de toi, pour t’aider. Gaëlle, moi-même, et même Kalpita. Et puis surtout… Aurèle. Ça le rend malade de ne pas réussir à t’aider…

— Pardon… Je… Je sais… C’est… juste… Tellement… dur…

— Personne ne te demande d’ignorer ta peine. Mais de la partager. »

L’ombre d’un sourire a fleuri une seconde sur ses lèvres… et c’est déjà un espoir en soi.



Aya a tenu à se recueillir devant la tombe de papa, qu’on a installé dans le jardin. Elle m’a dit que même si elle ne l’avait rencontré qu’une seule fois, elle avait trouvé très agréable de discuter avec lui et Tetsu, et qu’en plus de ça, ça la peinait beaucoup de me voir si dévasté.


Gaëlle et moi l’avons rejointe, et tatie s’est laissée aller devant la pierre tombale.

Maman, tonton et Tetsu ont fini par nous rejoindre. Je ne sais pas ce qu’a dit Raphaël pour le faire sortir de la chambre, mais apparemment ça a eu l’effet escompté. J’enlace maman qui pleure beaucoup aussi. Il a été très important pour elle, après tout…

Le pire dans tout ça, c’est qu’on ne pourra pas faire notre deuil tranquillement, puisqu’on va sans arrêt être harcelé par les journalistes. J’ai fouillé dans le téléphone de papa pour trouver le numéro à appeler afin de prévenir qu’il était décédé, et depuis, des gens que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam viennent me témoigner leurs condoléances sur le pas de ma porte. Je m’en fiche, laissez-moi tranquille… !

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