Vous savez quoi ? Ma rencontre avec Aya m’a donné une nouvelle confiance en moi. On se voit souvent pour jouer aux échecs, et elle ne manque pas une occasion de me complimenter… Moi qui pensais que je n’aurai jamais personne dans ma vie, elle me laisse espérer ! J’essaie de lui rendre l’intérêt qu’elle me porte, mais je suis beaucoup trop maladroit avec les mots, et souvent, je dis des choses bizarres… mais elle en rit. Alors forcément, mon ego est boosté !
J’en ai parlé à papa. Et évidemment, la première chose qu’il a abordé, c’est le sexe…
« Il faut que tu fasses attention, mon chéri… Sinon, c’est la surprise assurée !
— Papa, arrête, on n’est même pas encore un couple… Comment tu peux parler de ça maintenant ?
— On n’a pas besoin d’être un couple pour ça… »
Difficile d’oublier qu’il a été un tombeur dans sa jeunesse avec des phrases comme celle-ci !
Il a insisté pour la rencontrer, et je n’ai pas pu lui dire non. Elle est donc passée quelques semaines après.
« C’est assez intimidant d’être dans la demeure du chef de l’état… J’en reviens pas que j’ai pas fais le lien quand tu m’as dit ton nom !!
— En vrai je suis content que tu ne l’aies pas fait… Au moins tu ne me parles pas parce que mon père est célèbre. »
Elle a eu un sourire désolé, semblant comprendre que j’avais vécu des choses pas extraordinaires au niveau amical. Et, a fortiori, amoureux…
Papa s’est mis en tête de préparer un bon repas pour tout le monde, même après lui avoir assuré que ce n’était pas nécessaire qu’il se donne autant de mal.
« Ça me fait plaisir, voyons ! »
« Alors comme ça, vous êtes médecin ? demande-t-elle à Tetsu qui décide de se joindre à la conversation en se plaçant face à nous.
— Oui ! Passionnant, comme métier. Mais fatiguant aussi…
— Alors ça, je veux bien le croire ! Je vous admire beaucoup pour ça ! »
La conversation est facile, et papa finit par nous rejoindre.
« Si vous voulez vous servir, c’est prêt !
— Je vois que tu ne nous attends pas…
— Excusez-moi jeunes gens, mais mon vieil estomac a besoin d’être rassasié sans attendre…
— Il n’est vieux que quand ça l’arrange, vous pouvez me croire…, rétorque Tetsu en souriant. »
Aya rit, visiblement ravie de l’ambiance détendue qui règne. Je suis content. Au moins, il ne la mette pas mal à l’aise… et ils ne parlent pas de notre relation. Qui est strictement amicale pour l’instant, je vous rappelle…
Nous finissons tous par goûter à la merveilleuse cuisine de papa, puis je m’occupe de ranger les restes dans le frigo. Cette première rencontre n’aurait pas pu mieux se passer !
Je propose ensuite une petite partie d’échec à Aya, qui accepte immédiatement.
« C’est ta chambre d’ado ? Elle est chouette !
— Oui, je n’ai pas encore eu le temps de la redécorer. Enfin, je ne sais pas si je vais le faire, d’ailleurs… J’aimerai avoir ma propre maison. »
« Ce qui se comprend tout à fait ! En tout cas, ça se voit que ça fait longtemps que tu voulais devenir astronaute ! »
« Oui, ça remonte à tellement loin… et je peux enfin faire ce que j’aime aujourd’hui ! »
On a continué de discuter jusqu’à tard, si tard qu’il était plus de minuit lorsqu’elle est rentrée chez elle. J’ai senti mon cœur se serrer lorsqu’elle a passé le seuil de la porte de ma chambre. Est-ce que c’est ça, l’amour ?
Ça m’a taraudé, cette nuit-là. Je me suis même levé en plein milieu pour aller prendre l’air, mais j’ai vu dehors papa et Tetsu en train de parler. Qu’est-ce qu’ils font debout à cette heure-ci ? Et habillés, en plus ? J’ai légèrement ouvert la porte pour écouter, mais je me suis caché. C’est pas bien, je sais, mais papa a l’air vachement triste…
« Mon amour, que se passe-t-il ? demande Tetsu en se plaçant face à lui.
— Je… J’en n’ai plus pour longtemps… Tu le sais, n’est-ce pas… ? J’ai vu que mes bilans médicaux avaient légèrement changé de place… »
Quoi… ? Quels bilans ? De quoi il parle ? J’entends la voix de Tetsu se briser lorsqu’il répond :
« Pourquoi tu me l’as caché… ? Tu crois que je vois pas que tu es malade ? Tu crois que j’ai obtenu mon diplôme de médecine dans une pochette surprise ?
— Oh Tetsu, je n’ai absolument pas envie de me disputer avec toi maintenant… Je te l’ai pas dis parce que… je… je voulais que tu gardes de moi l’image d’un homme en bonne santé, amoureux et plein de vie… »
Tetsu ne répond rien. Je passe légèrement la tête dans l’entrebâillement de la porte et le vois baisser les yeux.
« Tu sais, tes balades nocturnes ne pouvaient pas rester secrètes. Je te connais trop bien… J’ai envie de te conseiller ce que tout bon médecin devrait te dire, mais… mais je suis dévasté… Comment je vais faire, sans toi… ? »
« Comme tu le faisais avant…
— Justement… Avant je n’y arrivais pas. J’étais malheureux. Tout le temps… Je… Quand tu t’en iras, je te suivrais.
— Non ! Non… Je t’en prie, mon ange, non… Veille sur Aurèle… Encore un peu… Quand moi je ne pourrais plus… Promets-le-moi… »
Tetsu le regarde un instant avant de le prendre dans ses bras et de l’embrasser avec fougue.
« Je te déteste, là, maintenant… mais je te le promets… »
Sous le choc, je ne prends même pas le temps de refermer la porte et retourne me cloîtrer dans ma chambre. Je me glisse sous ma couette, et pleure toutes les larmes de mon corps.
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