Qu’est-ce que j’ai fais pour mériter ça ? Dites-moi… Je ne suis pas parfait, j’ai fais des choses que je regrette aujourd’hui, mais pourquoi s’acharner sur moi, comme ça ? Pourquoi est-ce qu’il fallait qu’il apprenne ça maintenant ?
Je donne un coup de poing dans le mur carrelé de la douche mais les sanglots ne demandent qu’à sortir.
Après être resté un moment abasourdi sur le canapé, j’ai senti mes joues se tremper de larmes. Si seulement… Si seulement j’avais été franc avec lui dès le début… Peu importe son âge… Rien de tout ça ne serait arrivé… J’ai entendu Tetsu rentrer, alors j’ai sauté dans la douche pour qu’il ne me voit pas dans cet état… et surtout qu’il n’entende pas mes pleurs.
Mais j’aurais dû me douter qu’il me connaît trop bien. A peine je suis sorti de la salle de bain qu’il m’accoste, un air inquiet visible sur le visage.
« J’ai cru… J’ai cru t’entendre… … Ça va, Gaby ?
— … »
Que voulez-vous que je réponde à ça ? Il y a une différence entre espérer qu’il ne remarque rien, et lui mentir s’il pose la question…
« Pardon je… »
Je me frotte les yeux pour m’empêcher de pleurer à nouveau.
« Oooh mais que s’est-il passé ? Mon Dieu, Gabriel… Viens-là… »
Aussitôt, je me sens mieux. Ses étreintes ont toujours eu un effet calmant, sur moi… Alors je me résous à tout lui expliquer. Et à répéter… ce qu’Aurèle m’a dit…
« M-Mais… Comment il a su tout ça ?
— Je n’en ai aucune idée… Mais maintenant je n’ai plus aucune crédibilité auprès de lui. Je savais que j’aurai dû prendre le temps de tout lui expliquer avant… »
« C’est vrai qu’il n’a pas tous les tenants et aboutissants de l’histoire, ça doit rendre toute cette découverte bien pire…
— J’ai quand même fait des choses horribles que je regrette aujourd’hui…
— Oui, mais tu n’es pas quelqu’un de mauvais, loin de là. Cependant, à l’instant présent, Aurèle doit probablement remettre en question toute l’image qu’il a de toi… »
Mais jamais il ne voudra me parler maintenant…
« Je fais quoi, Tetsu ? Je ne veux pas qu’il me déteste, mais qu’est-ce que je pourrais lui dire pour le faire changer d’avis ? Je ne suis même pas sûr d’arriver à me trouver des excuses convenables… »
« On pourrait demander à Kalpita… de lui parler…
— Mais elle doit probablement être d’accord avec lui ! J’ai été un enfoiré avec elle… je veux bien que nos relations soient cordiales parce que nous avons un enfant ensemble, mais de là à lui demander de l’aide…
— Peut-être, mais je pense tout de même que c’est la mieux placée pour écouter Aurèle et lui expliquer. Elle sait pourquoi tu as agis comme tu l’as fais.
— Oui, mais…
— Mais rien ! Je l’accompagnerai, si tu veux. Comme ça, je pourrais aussi expliquer ce qu’elle ne connaît pas en détails. Je… J’ai ma part de responsabilité aussi, quelque part… »
Je détourne les yeux. Comment pourrais-je avoir l’air encore plus lâche ? Non, il faut que je lui parle aussi.
« Merci mon amour, mais je pense que c’est moi qui devrait accompagner Kalpita dans cette discussion.
— Comme tu veux, mais je suis là, d’accord ? »
•
Je n’ai pas croisé Aurèle le lendemain matin. Il a pris soin de m’éviter avant de partir au lycée. J’ai appelé Kalpita pour lui expliquer la situation et lui demander de m’aider à raconter tout ce qu’il s’est passé à Aurèle. Ensuite, c’est lui qui décidera de me pardonner ou non. Elle a accepté. Nous prévoyons donc de nous voir l’après-midi même, dès qu’Aurèle finit les cours. Je partirais plus tôt du bureau, prétextant une urgence familiale. En espérant que ça ne finisse pas dans les journaux, cette fois-ci…
Contre toute attente, Aurèle nous laisse entrer lorsque nous toquons à sa porte. On s’installe sur son lit. J’ai une boule dans la gorge, c’est assez horrible. Nous n’avons pas l’air très assorti, tous les deux…
« Il semblerait que tu as des questions, mon chéri…, engage Kalpita.
— Mh…
— Si tu n’en as pas, je vais alors me permettre d’éclaircir quelques détails, avec l’aide de ton père. Tu veux bien nous écouter ? »
Aurèle se lève de sa chaise et s’approche.
« Pourquoi est-ce qu’il est obligé d’être là ?
— Voyons, Aurèle, c’est ton père, et il me semble qu’il est plutôt concerné, non ?
— M’en fiche, je veux t’entendre toi, surtout. »
Kalpita se lève.
« Arrête un peu tes caprices, s’il-te-plaît. Écoute-nous, tous les deux.
— Vous –
— Aurèle… ! »
« Assieds-toi. »
Il obéit. J’aurai dû me changer, je transpire trop dans mon costume…
•
Je les regarde alternativement tous les deux et obtempère. Après tout, je veux des réponses. Papa n’a vraiment pas l’air bien… Je suis horrible de lui avoir dit tout ça hier… J’aurai dû lui demander des explications tout de suite au lieu de me tirer comme ça…
« Mon grand, je veux que tu comprennes que parmi beaucoup de décisions que j’ai prises et de choses que j’ai faites, il y en a beaucoup que je regrette aujourd’hui. J’aurai aimé t’en parler plus tôt, mais je n’ai apparemment pas pu me résoudre à en parler à un enfant. »
Je les écoute alors me raconter la vie de papa, comment il est tombé amoureux de Tetsu très jeune, comment la fin de leur relation l’a brisé et ce qu’il a cru retrouver avec maman, avant de se rendre compte qu’il n’avait jamais pu tracer un trait sur son amour de jeunesse. Maman m’explique que malgré la réputation de tombeur de papa, elle est tombée très amoureuse de lui, et que ce n’est qu’un concours de circonstances qui a fait que leur relation a pris l’ampleur qu’elle a eu. Et ce concours de circonstances, c’est moi.
Ils m’assurent en long, en large et en travers qu’ils m’aiment, mais papa avoue qu’il a eu beaucoup de mal à s’occuper de moi. A vouloir s’occuper de moi. Je l’engageais avec maman de manière définitive, ou presque. Et quand Tetsu est revenu vivre à Oasis Spring, ça a foutu le bordel… Il me parle du fait qu’il était perdu entre la mère de son fils et son amour de jeunesse. Il a choisi le dernier. Maman me parle de sa dépression, du fait qu’elle se voyait faire sa vie entière avec papa et à quel point ça a été dur.
« Maman… Est-ce que c’est vrai… Que tu as failli… te suicider… ? »
Un silence s’installe. Maman m’observe sans montrer de réaction particulière, alors que papa semble légèrement choqué. Alors que c’est la principale chose que je lui ai reproché hier…
« C’est vrai. Je ne suis jamais passée à l’acte mais j’y ai pensé très fort. Cependant, je suis seule maîtresse de mes sentiments, Aurèle. Même si ça me touche beaucoup que tu t’inquiètes encore pour moi, alors que ça fait plus de quinze ans, ça n’a jamais été volontaire de la part de ton père de me faire tant de mal. Je sais, même encore aujourd’hui, qu’il avait mes intérêts à cœur également. C’est d’ailleurs pour ça qu’il avait accepté de m’épouser. C’est aussi un peu pour moi qu’il a refusé de le faire finalement. Il aurait été malheureux, et par conséquent, moi aussi. »
Mon cœur se serre. Ça me rend à la fois triste et heureux d’entendre tout ça. Je suis triste parce que je me rends compte que maman a vécu des choses difficiles, mais je suis heureux parce qu’elle va mieux, et que mon père est loin d’être un monstre.
« Je suis désolé pour tout ce que je t’ai dis hier, papa… Pardon… J’étais en colère, et…
— Ne t’inquiète pas mon chéri. Je comprends… Tu avais tes raisons… Je… Je m’excuse aussi, de t’avoir caché tout ça. … Je… Je peux te prendre dans mes bras ? »
Je hoche la tête, et il se lève pour me serrer contre lui.
« Merci papa… »
Maman nous regarde affectueusement au même moment, puis je vais l’enlacer elle aussi.
« Désolé de t’avoir inquiéter maman… Tant que tu es heureuse, au moins maintenant, ça me va.
— Mais oui mon poussin, ne t’en fais pas pour moi. C’est plutôt à la maman de s’en faire pour son petit bout ! »
« Attention, je suis bientôt adulte, hein !
— Olala, mais oui, que le temps passe vite… »
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