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Chapitre 5

Photo du rédacteur: ongatheringsimsongatheringsims

Moi qui pensais que je serais la seule à me poser des questions sur la paternité de Lotus, du moins au début, je me suis bien trompée. Il n’a pourtant que deux ans, mais apparemment c’est suffisant pour mon observatrice de meilleure-amie.


« Keli… Tu me cacherais pas un truc énorme, par hasard ? me demande-t-elle un jour alors qu’elle est à la maison. »

Nous venons de redescendre au salon après avoir couché Lotus pour sa sieste.


« P-Pourquoi tu dis ça ? réponds-je en baissant la tête pour éviter son regard.

— … Ok, t’es pas suspecte du tout, dis donc…, commente-t-elle en croisant les bras. Ton petit bout là… Il est très mignon, ça je le remets pas en question, mais… il me fait penser à quelqu’un qui n’est ni toi, ni Leslie.

— Si tu parles de la ressemblance avec mon père, moi aussi ça me –

— Mais non ! De ton père il a la couleur des yeux, j’appelle pas ça une ressemblance ! »


Je presse mes lèvres l’une contre l’autre. Qu’est-ce que je peux bien répondre à ça ? Est-ce que je continue à faire l’idiote ?


Elle pousse un profond soupir en décroisant les bras.


« J’ai croisé Tray l’autre jour au café.

— Ah-Ah bon ?

— Ouais. On s’est pas parlé, il m’a juste fait un signe de la main avant de déguerpir. Mais je l’ai vu d’assez près. Et suffisamment longtemps pour que l’image de Lotus me vienne en tête. C’est bizarre, non ? »


Ma respiration commence à se hacher alors que mon cœur semble vouloir sortir de ma poitrine. Elle perd instantanément son air accusateur et m’attrape pour me faire m’asseoir sur le canapé.


« Eh, respire, excuse-moi, je ne voulais pas te provoquer une crise d’angoisse… Olala, je suis nulle comme amie…

— C-C’est rien…, la rassuré-je alors que je parviens à reprendre ma respiration petit à petit. »

Je lui raconte tout. Vraiment tout. Ma rencontre impromptue avec Tray, notre tentative de renouer des liens, les débuts de notre liaison, le doute sur le père de Lotus, le fait que je suis irrémédiablement amoureuse des deux hommes… Tout.


« Oh Keli… »

Elle m’attrape les mains et me les serre en s’accroupissant devant moi.


« Je ne sais pas quoi dire… Je ne vais pas te faire la morale, je n’ai pas envie d’être là pour ça, mais je vais te mettre en garde, en revanche… »


Elle me caresse la joue pour essuyer les quelques larmes qui ont coulé.


« Si moi j’ai pu le remarquer maintenant, c’est en grande partie parce que j’ai beaucoup traîné avec vous deux à l’époque du lycée. Le recroiser m’a suffi pour faire le lien. Mais si j’ai raison, et que Lotus ressemble bel et bien à Tray… ce n’est qu’une question de temps avant que Leslie s’en rende compte également. »


Je ferme les yeux et me mets à sangloter bruyamment, comme ce fameux jour avec Nilo. Le pire, c’est que je sais tout ça, mais d’entendre quelqu’un d’autre me le dire me fait pleinement prendre conscience que je ne pourrais pas faire comme si de rien n’était jusqu’au bout.


Je me laisse tomber du canapé et encercle mes genoux du mieux que je peux sans trop écraser mon ventre qui commence à prendre pas mal de place. Haki s’assoit près de moi et tente de me consoler comme elle peut.

Je finis par me calmer, mais c’est difficile.


« Qu’est-ce que je fais, Haki… ? J’en ai aucune idée…

— Je sais pas non plus chaton, je suis pas sûre qu’il y ait de bonne solution… »


Je renifle. Évidemment. Soit j’en fais souffrir un, soit carrément les deux. Haki me prend contre elle quand je me remets à pleurer, mais bientôt le baby phone s’active, m’indiquant que Lotus s’est réveillé.


Elle m’aide à me lever, et avant de me laisser monter elle m’attrape par les épaules et me regarde dans les yeux :


« S’il y a une chose dont je suis sûre par contre, c’est que tu es une super maman, et que tu continueras de l’être avec les deux prochains, peu importe la situation. Ne doute pas de toi là-dessus, d’accord ? »


Je hoche la tête en souriant tristement avant de la prendre brièvement dans les bras et de monter. J’ai eu tort de garder ça pour moi aussi longtemps. Elle a toujours été la voix de la raison dès que j’avais des doutes. Mais là, même elle ne peut pas vraiment m’aider…



« Keli… ? »


J’ouvre les yeux et aperçois Leslie à l’entrée de notre chambre. Je passe mon temps au lit depuis que je suis rentrée de l’hôpital.


« Ton père est là. »


Je me redresse soudainement mais le regrette instantanément lorsque la douleur me prend dans le bas-ventre.


« Eh, non, attention… ! s’exclame Leslie en s’approchant de moi. Reste allongée. Je peux lui dire de partir si tu veux.

— Non, non, c’est bon… Amène-le ici. »


Il m’embrasse la joue et quitte la chambre.


Je ne sais pas si j’ai vraiment envie de le voir là maintenant, mais j’imagine que maman a fait des caisses de ce qu’il s’est passé à l’hôpital…

J’entends quelques coups à la porte avant de la voir s’ouvrir sur Oskar Väri. L’homme qui aurait dû être mon père, mais qui ne l’a jamais vraiment été. Il a pris un coup de vieux.


Pendant quelques instants, on ne parle pas, on ne bouge pas. Puis, silencieusement, il avance, et remarque le fauteuil sur le côté. Il s’y assoit. Je l’imite, sur le bord du lit.


« Comment tu vas… ?

— Comme quelqu’un qui a failli mourir en donnant la vie, merci de demander.

— Excuse-moi, c’était idiot comme question. »


Je me souviens de notre dernière discussion comme si c’était hier. Il ne m’a pas retenue quand je lui ai hurlé dessus et que je suis partie de la maison une heure après. A croire qu’il en avait rien à faire de moi.

Mais là, devant moi, il semble… penaud. Je ne l’ai jamais vu comme ça. C’est un maréchal très décoré, il n’a pas le temps pour les sentiments. Et pourtant…


« Je suis sincèrement désolé Kelita… J’ai vraiment été un père médiocre. »

Je soupire.


« Et quoi ? Tu as attendu que je manque de crever pour t’en rendre compte ? »

« Non, pas du tout, ça fait longtemps que je voulais te présenter mes excuses…

— Et pourquoi tu l’as pas fais plus tôt ? J’ai jamais voulu te parler au téléphone, mais pourquoi t’es jamais venu, comme maintenant, demander à me voir ? Hein ? Tu penses pas qu’il est un peu tard là ? »

Je m’attendais à ce qu’il réplique, mais non. Il se contente de baisser la tête et de laisser s’échapper un rire nerveux.


« Je suis un lâche, je pense qu’on peut dire ça. Pour un militaire c’est un comble. J’avais si peur que tu me rejettes que… j’ai préféré ne rien tenter. Quel imbécile… »


Je prends une grande inspiration pour me calmer.


« Papa. »


Il relève les yeux immédiatement, surpris que je l’appelle comme ça, probablement.


« Tu es effectivement un imbécile. Tu crois que tu ne me manquais pas ? Figure-toi que si. Malgré tout. Même encore maintenant. Surtout depuis… la naissance de Lotus. »


Il ne semble pas trop comprendre, alors je souris.


« Il a tes yeux. »


Je vois ses yeux s’embuer, et l’instant d’après il est près de moi et me sert contre lui. Ça me fait pleurer aussi, évidemment.

« Est-ce que… Est-ce que tu m’autorises à les rencontrer, tous les trois ? finit-il par me demander d’une voix hésitante.

— Seulement si tu promets d’être un grand-père exemplaire, réponds-je en reniflant. »


Il hoche la tête et m’embrasse le front avant de m’aider à me lever. La douleur de la césarienne s’est atténuée depuis l’opération mais c’est toujours pénible. Je peux quand même marcher, cela dit.


Je l’emmène dans la chambre de Lotus où ce dernier est en train de jouer avec ses cubes. Il s’approche et se présente.


« Bonjour Lotus, je suis Oskar, ton grand-père.

— G’and-pè’e ?

— Je suis le papa de ta maman. »

Je ne pensais pas que Lotus comprendrait si bien, mais il a tout de suite fait un grand sourire et réclamé un câlin, que papa lui a fait avec plaisir.

Je ne veux pas trop m’emballer, après tout il a vraiment laissé notre éducation aux bons soins de maman et de notre majordome, mais il a vraiment l’air de vouloir faire des efforts, alors soit.


Leslie arrive juste après et décide d’occuper Lotus pour que nous puissions aller voir les jumeaux. Je le devance et le guide jusque dans la chambre à l’autre bout du couloir. J’ouvre la porte et me décale pour qu’il puisse entrer.

Il prend d’abord tendrement Hibiscus dans ses bras et le berce doucement. Il le repose et fait de même avec Azalea. Ses mouvements sont un peu hésitants, mais c’est normal, ça fait longtemps qu’il n’a pas eu de bébé dans les bras.


« Ils sont si petits… J’ai peur de les blesser, confesse-t-il en reposant Azalea dans son couffin.

— Tu te débrouilles bien. »


La présence de mon père parfait le tableau. J’ai eu peur de mourir, mais j’ai eu encore plus peur de perdre mes enfants. Les voir tous les trois réunis me fait prendre pleinement conscience que cette épreuve est derrière nous, et que tout le monde va bien.

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