« Et ensuite, tu divises par la somme des –
— Papa, c’est bon, je sais, je suis super fort en maths, tu sais… ! »
« Bah, pourquoi tu me demandes de l’aide, alors ?
— Mais c’était pour le français ! J’suis nul ! Et toi, t’es le chef du pays, tu sais trop bien parler !
— Eh, minute papillon, jeune homme, ça n’a rien à voir ! Si tu veux être bon en français, il faudrait que tu lises un peu plus !
— Maiis… »
« Demande à Tetsu de te conseiller de bons livres, il dévore des bouquins plus gros que toi depuis son plus jeune âge…
— Ouais, je le vois souvent avec un livre à la main… Bon, ok, j’lui demanderai s’il a un truc sur les extra-terrestres !! »
Et quelques minutes plus tard, je le vois en train de poser un tas de questions à Tetsu, qui a l’air ravi de lui répondre.
J’entends la sonnette retentir et me dépêche d’aller ouvrir. En espérant que ça soit pas un énième journaliste… Ils ne me laissent plus tranquille depuis que j’ai annoncé que Tetsu Aoya était mon compagnon. ‘Faut dire qu’il est lui-même pas mal connu dans le milieu médical, alors forcément, ça jazze…
Mais non. Ce n’est pas un journaliste. C’est Kalpita. Estomaqué de la voir débarquer sans prévenir, je me recule pour la laisser entrer. Elle me suit et ferme la porte derrière elle.
« K-Kalpita… Je… Je ne t’attendais pas si tôt, et encore moins sans t’annoncer avant…
— Je suis désolée, j’ai atterri dans la matinée. Je voulais t’appeler avant de passer, mais j’arrivais pas à tenir… Je peux le voir ? »
« Euh… Je suppose, oui. »
Nous nous dirigeons vers la partie salon de la pièce principale, où Tetsu et Aurèle sont à présent dans une grande discussion sur le canapé.
« Aurèle, on a de la visite ! annoncé-je en tentant d’avoir un air enjoué. »
Je suis presque sûr que cette visite ne lui fera pas spécialement plaisir. Et voilà que soudainement…
« MAMAN !! »
Il se lève précipitamment du canapé, coupant Tetsu au milieu d’une phrase, et se jette dans les bras de sa mère. Ouah… Il ne pouvait pas plus me surprendre, ça c’est clair !
« Mon poussin !! Oh, comme tu m’as manqué !
— Tu m’as manqué aussi, maman… »
Ils se lâchent et je vois que Kalpita semble aussi surprise que moi.
« Ne vas pas croire que je ne suis pas contente de ton accueil, mais je t’avoue que je pensais vraiment que tu m’en voulais…
— Oui, c’est vrai… J’avais pas envie de te parler au téléphone, parce que j’avais l’impression que c’était… un substitut, et que t’allais jamais revenir… Pardon…
—Oh mais ce n’est pas grave mon chéri…
— Dis… Tu vas rester… ?
— Bien sûr, je suis revenue vivre à Oasis Springs !
— Ouiii ! Trop bien ! »
J’avais raison, finalement, quand j’essayais de la rassurer… Il est jeune, il pardonne et oublie facilement… C’est un bon garçon. Ça m’enlève une sacrée épine du pied, d’ailleurs… Les grandes personnes ont décidément beaucoup trop tendance à s’inquiéter pour pas grand-chose. Il voulait juste la voir, pour de vrai.
Je tourne les yeux vers Tetsu qui me regarde avec un air qui semble dire « j’te l’avais dis ! ».
•
Les jours, les semaines, et les mois passent. Les résultats scolaires d’Aurèle s’améliorent drastiquement depuis le retour de sa mère dans sa vie. Ses notes crèvent le plafond en sciences et en maths. Et il s’est même amélioré en français grâce aux conseils de Tetsu. Par contre, il ne ramène toujours pas de camarade de classe à la maison… Je ne sais pas si je dois m’en inquiéter. J’étais très sociable à son âge, mais je sais bien que ce n’est pas le cas de tous les enfants. Je décide quand même de lui en parler.
« Ça va mon grand ? Comment a été ta journée d’école ?
— Ça va. On a appris un nouveau théorème fascinant en maths !
— C’est vrai ? Et tes copains ont aussi trouvé ça fascinant ? »
« Bof, je sais pas, j’leur ai pas demandé.
— Ah bon ? »
Je réfléchis à un moment à comment tourner ma question.
« Est-ce que tu as des amis, à l’école, mon chéri ? »
Bon, pour le tact, on repassera… Cependant, ma question n’a pas l’air de le désarçonner plus que ça.
« Pas vraiment, non. Tous ceux qui veulent être mes copains ne font que me parler de toi, c’est énervant. Je t’aime, papa, mais j’aime bien parler d’autre chose, aussi…
— Oh… »
Mince, c’est ma faute ? Je savais qu’être « fils de » n’était pas simple, mais de là à ce que personne ne s’intéresse à lui pour ce qu’il est…
« Mais t’inquiète pas hein, moi ça me va ! J’aime pas trop les gens, je les trouve tous superficiels. Je préfère lire des livres de science à la bibliothèque ! Tu savais que mamie avait inventé une machine pour aller sur Sixam ? Enfin, elle a failli, apparemment elle a jamais fonctionné, mais c’est trop cool ! »
Je suis scotché. Je savais qu’il passait beaucoup de temps à la bibliothèque, mais de là à dire qu’il préférait en fait la compagnie des étoiles à celle des hommes… Enfin, je peux difficilement comprendre, vu mon amour pour… euh… les… gens… hm.
« Je crois que je l’ai récupérée, cette machine, si tu veux la regarder.
— Quoi ?! C’est vrai ?!! Mais pourquoi tu me l’as jamais dis !!
— Oh, bah, je sais pas trop…
— Je pourrais voir si je peux la réparer ! Et si je peux pas, je m’en inspirerai pour construire une fusée qui m’emmènerait tout là-haut ! »
Eh bah, il en a, de l’ambition !
« Je suis fier de toi, Aurèle, tes ambitions sont nobles, je t’aiderai à les réaliser comme je peux !
— Wouah, merci papa ! »
Rien à faire s’il n’est pas sociable comme moi, mon fils est peut-être le futur grand scientifique de ce siècle, après ma mère !
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