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Chapitre 2

Ça fait plusieurs jours que je réfléchis à la proposition de Tray. Le bon sens voudrait que je lui dise non, et qu’on continue nos vies chacun de notre côté. Mais… on a aussi été amis, et c’est vrai que ça me manque. Haki est la seule personne que je fréquente vraiment, en dehors de Leslie… Non pas que je dénigre la qualité de la présence de ma meilleure-amie, mais je suis quelqu’un de sociable, à la base ! Et Nilo est trop occupé à vadrouiller à droite et à gauche, je ne sais jamais où il est, alors qu’Enni a déjà bien assez à faire avec le lycée.


Je soupire alors que je tranche mon pain. Je me sens un peu seule, c’est un fait.

Et en plus de ça, la proposition de Tray est tentante. Après tout, on ne ferait rien de mal. Et si ça se trouve, mes griefs m’empêcheront de pleinement profiter du temps qu’on passera ensemble, et on ne se verra plus très vite. Là, j’ai l’impression que je peux passer outre, puisque je n’attends plus rien de lui de toute façon, mais on ne sait jamais.


Bon. On n’est plus des ados, le passé, c’est le passé. Je termine de couper mon pain, le range dans sa boîte et vais m’installer au salon avant de sortir mon portable.

Je n’ai pas besoin de beaucoup réfléchir à ce que je lui dis. J’annonce simplement que je suis d’accord pour qu’on se revoie au moins une fois, voir comment ça se passe, si c’est pas trop bizarre. Dans un lieu public, de préférence.


Il ne me répond pas de suite, forcément, il doit travailler, alors je vaque à mes occupations pour le reste de la journée, étant un peu impatiente malgré tout.


Leslie finit par rentrer, et je viens à sa rencontre en lui demandant comment s’est passé sa journée.


« Plutôt bien, beaucoup de paperasse aujourd’hui, me répond-il en m’embrassant tendrement la joue. »

« Et toi ? »


Je hausse les épaules avec un sourire, l’air de dire « comme d’habitude ». Il sait que mon quotidien n’est pas très… palpitant, alors il affiche une moue triste. Il est trop mignon. Il m’attrape les mains et me fait un sourire charmeur avant de me traîner à sa suite à l’étage. Il sait comment me changer les idées, ça, c’est sûr !



Tray finit par me répondre assez tard, et me propose de nous voir autour d’un café le lendemain en fin d’après-midi, ce que j’accepte. J’hésite un instant à proposer à Haki de se joindre à nous, mais elle risque de vouloir à tout prix me faire changer d’avis, et je n’ai pas envie d’avoir à l’envoyer paitre. Tant pis, ça attendra. De même, si ça se passe bien et que je suis amenée à le fréquenter à nouveau (amicalement) j’en parlerais à Leslie, il a le droit de savoir. Et je ne préfère pas penser à sa réaction tout de suite…


Je me prépare tranquillement, et malgré l’orage, je rejoins Tray vers cinq heures et demie dans mon café préféré de Newcrest.


Bon, la vérité, c’est que je ne suis pas si tranquille que ça. Mon cœur bat la chamade. Le stress, sûrement. Mais pourquoi je stresse ? Pff… J’ai pas à l’impressionner ni rien. Si ça passe, tant mieux, sinon tant pis, et c’est tout.


Il est déjà assis sur un des canapés près de l’entrée avec deux boissons, alors je me dirige vers lui et m’installe.


« Salut ! Désolée, la pluie m’a mise en retard !

— Ah t’inquiète, ça fait pas longtemps que je suis arrivé. Quel temps de chien… ! »


Je ris devant sa moue dégoûtée, et m’empresse de lui rappeler une anecdote concernant l’orage, impliquant lui qui court, ses chaussures mal lacées et une flaque de boue.

Il fronce les sourcils alors que sa moue se transforme et devient boudeuse. Il grommelle que c’est pas super sympa de lui rappeler la honte de sa vie, mais je m’esclaffe. Bonne pâte, il se met à rire aussi, et on finit par se calmer pour prendre une gorgée de café.


« Oh, tu t’es rappelé comment je le bois ? remarqué-je en reposant ma tasse, impressionnée.

— Euh, oui, mon cerveau fait ça des fois, il garde des informations a priori inutiles dans un coin… Enfin, pas si inutiles que ça du coup dans ce cas-là. »


Je hoche la tête et baisse les yeux, me rappelant malgré moi nos sorties au café à côté du lycée. J’ai oublié son nom… pourtant on y a passé des heures et des heures, quand sa mère ne travaillait pas et qu’on ne pouvait de toute façon pas aller chez moi. Je ne peux pas m’empêcher de sourire en repensant à ça.


« A quoi tu penses ? me demande-t-il, probablement curieux de pourquoi je me mets à sourire toute seule.

— Oh, à rien de spécial… L’époque du lycée, tout ça… »


Il semble soudain se tendre, et alors que je m’apprête à lui dire que tout va bien, il commence à s’excuser une nouvelle fois :


« Je suis vraiment désolé Keli…

— Non, c’est bon, tu t’es déjà excusé… Tu étais un ado, tu n’as probablement pas fait les meilleurs choix, certes, mais c’est bon, c’est fini maintenant.

— Quand même. Tu méritais bien mieux que ça comme fin de relation. »

Je ne sais pas si c’est la manière dont il me regarde, mais je sens soudain mon cœur s’accélérer à nouveau. Mes pensées prennent cette fois-ci une direction loin d’être innocente, et je me maudis de penser à ça alors qu’il est vulnérable devant moi. Enfin, de penser à ça tout court… ! Je suis mariée, bon sang !


J’attrape ma tasse et prends une grande gorgée, manquant de me brûler la langue au passage. Je grimace et le rassure lorsqu’il me demande si ça va.


« Et Rose, comment elle va ?

— Tu t’intéresses vraiment à la réponse ?

— Oui, oui, bien sûr… »


Il rit et secoue la tête, probablement peu convaincu.


« Elle va bien. Elle travaille pour le Newcrest’s News en temps que rédactrice depuis quelques temps, ça lui correspond pas trop mal. Et toi, tu ne m’as pas dis ce que tu faisais dans la vie ?

— Oh, je… je ne travaille pas. Dans ma famille, il est attendu de la femme qu’elle reste à la maison.

— … Ça je sais, mais tu y as toujours été fermement opposée… Qu’est-ce qui a changé ?

— C’est un peu long à expliquer… Je ne suis pas ravie de la situation, mais je fais avec. Et en plus, j’aurais beaucoup plus de temps pour m’occuper de nos enfants comme ça.

— Tu… Tu es enceinte ?

— Quoi ? Non ! Enfin, pas encore. On n’essaie pas activement mais on n’est pas non plus très prudents, donc… Ça devrait nous tomber dessus un de ces quatre, et on fera semblant d’être surpris. »


Je fais une pause et ajoute :


« J’avoue que… j’ai bien envie de devenir mère. »


Je suis sincère. Autant l’idée d’être femme au foyer m’a toujours déplu, autant dès l’adolescence je m’imaginais aisément avoir une grande famille plus tard. Et ce temps futur… c’est peut-être maintenant qu’il commence, qui sait ?


Je remarque qu’il s’est un peu renfrogné.


« Quelque chose ne va pas ? »

« Rien, c’est… Hm…

— Tu n’es pas obligé de me dire, bien sûr.

— C’est juste que… nous on essaie activement, par contre, et… ça marche pas trop. »


J’ignore la jalousie qui me tiraille les entrailles et qui n’a plus rien à faire là, et affiche un sourire compatissant.


« Ça finira par venir, ne t’inquiète pas. Vous vous êtes probablement trop mis la pression.

— Sûrement… J’espère en tout cas. »

Il essaie de le dissimuler, mais je vois bien que ça le chamboule. Je meurs d’envie de le prendre dans mes bras mais je me retiens. Qu’est-ce qui m’arrive, sérieusement ? Hier je n’étais même pas sûre de pouvoir lui pardonner, et aujourd’hui j’ai… envie de le toucher ? De l’avoir près de moi ? N’importe quoi.


Malgré tout, je commence à paniquer. Ça ne faisait pas partie des scénarios possibles. Je me lève précipitamment, ce qui attire son attention.


« Keli ? Qu’est-ce qui se passe ?

— R-Rien, je… je me sens pas très bien, je crois que je vais rentrer… Désolée…

— Oh, c’est rien. Si ça va pas, rentre te reposer, on se verra à un autre moment ! »


Je n’ose pas lui donner de réponse claire, alors je me contente de lui sourire, de le remercier pour le café, et de partir en trottinant. Qu’est-ce que je vais faire, maintenant ?



La réponse est assez évidente. J’ai honte quand je rentre et croise le regard interrogateur de Leslie. Je dois faire une tête à faire peur… Je lui fais un signe de la main et lui dis « un accrochage avec Haki, rien de méchant ». Oui, je lui mens, mais qu’est-ce que je peux lui dire, en même temps ?


Je vais donc arrêter de voir Tray. C’est mieux. Pour tout le monde. Enfin, c’est ce que je me suis dis en me couchant le soir, mais ce n’est apparemment pas ce qu’a décidé le destin quand il l’a mis devant ma porte à 9h le lendemain.

« Tray ? Qu’est-ce que tu fais là ? demandé-je non sans agacement dans la voix après avoir ouvert la porte. »


Leslie est déjà parti au travail, mais il y a peu, ça aurait pu tourner à la catastrophe.


« Désolé, j’étais inquiet, comme tu es partie en trombe hier soir…

— Et tu ne pouvais pas m’envoyer un texto ? »


Ses joues se colorent légèrement, et je sens mon ventre se tordre. Se pourrait-il que… que je ne sois pas la seule qui… Je secoue la tête.


« Bon, reste pas là, entre. »


Je suis un minimum polie, après tout.


Il me suit dans la maison, l’air toujours gêné, et je nous emmène dans le salon.


« Tu as de la chance que Leslie ne soit pas là, je ne lui ai toujours pas dis que tu… avais refait une apparition.

— Ah bon ? Je pensais que tu lui aurais dis, au moins pour hier soir. On n’a rien à cacher, après tout. »


Je l’observe un instant. Je crois voir l’ombre d’un sourire en coin sur ses lèvres. Je secoue la tête pour éviter de repenser à certaines choses.


« Tu-Tu veux un café ?

— Non, merci, je venais juste voir si tu allais bien. »


Je pousse un profond soupir et me laisse tomber sur le canapé. Il s’assoit près de moi. Il me frotte gentiment le dos, mais ça n’arrange pas tellement la situation.


« Tray, je… je sais pas si c’est une si bonne idée que ça, finalement…

— Tu… Tu m’en veux toujours finalement ?

— Non, c’est pas ça… du tout. Au contraire, je dirais même…, réponds-je en détournant le regard, gênée. »

Sa main dans mon dos s’arrête net. Je panique.


« Désolée, j’aurais jamais dû dire ça… »

Il ne répond rien, mais je sens sa main remonter lentement le long de mon dos, jusqu’à arriver contre ma joue. Il la caresse délicatement et m’incite avec à tourner la tête vers lui. Appréhensive, je lève les yeux et suis surprise de le voir sourire. Tendrement.


« Je crois que je ne me rendais pas compte à quel point tu me manquais, finalement…, murmure-t-il en s’approchant lentement. »


Enivrée par son odeur et sa chaleur, le cœur tambourinant contre ma cage thoracique, je ferme les yeux et me laisse tomber contre lui, alors que ses lèvres entre doucement en contact avec les miennes.

Je ne sais pas si c’est parce que l’interdit est grisant, ou si c’est parce qu’il m’a énormément manqué, mais la sensation que me procure ce baiser dépasse de loin tous ceux que j’ai pu échanger avec Leslie. Il n’est qu’en surface mais il suffit pour me donner envie de plus, là, maintenant, tout de suite.


Je m’écarte et me lève d’un bond.


« Kelita ? Qu’est-ce que tu– »


Je ne le laisse pas finir et lui attrape la main avant de l’entraîner à ma suite dans la chambre d’ami du rez-de-chaussée. Il semble se rendre compte rapidement de mes intentions puisqu’à peine la porte fermée il me prend dans ses bras et m’embrasse à nouveau, avec beaucoup plus de fougue cette fois-ci.


Je n’arrive même plus à réfléchir, tout ce que je fais est dicté par l’envie. Je n’ai plus que Tray dans la tête, et plus du tout où nous sommes, ni qui nous sommes.


« Tu es sûre… ? me demande-t-il une dernière fois alors que nous sommes allongés sur le lit dans les bras l’un de l’autre, nos vêtements en partie disséminés dans la pièce. »

Je ne lui réponds pas avec des mots et me contente de l’embrasser à nouveau avant d’attraper sa main posée sur ma cuisse et de la remonter entre mes jambes. Le message devrait être assez clair.



Lorsque Leslie est rentré du travail cet après-midi-là, j’ai éprouvé un mélange de culpabilité et de résignation. De culpabilité parce que je l’ai trompé, mais de résignation parce que… je peux d’ores et déjà affirmer que ça n’a jamais été aussi fort avec lui qu’avec Tray. Que ce soit au niveau charnel ou au niveau émotionnel. Je l’aime tout de même énormément, ça ne je peux pas le nier, mais c’est simplement… différent. Si différent…

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