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Chapitre 156

Après un bâillement à m’en décrocher la mâchoire, je suis bien obligée de reconnaître qu’il faut que j’aille me coucher. Il est à peine minuit, mais ma journée de boulot m’a éreintée. Heureusement que j’ai deux jours de week-end pour me remettre.

Je m’étire et me dirige vers la salle de bain, quand soudain un bruit m’arrête net. On dirait… un grognement. Et il était tout proche. Je sens un frisson me parcourir l’échine. Un animal sauvage, près de chez moi ? Je sais qu’on est à la campagne, mais j’habite près du centre-ville quand même.

Je prends une grande inspiration et retourne dans la cuisine. Rien. Je regarde alors par la fenêtre et lâche un cri terrifié lorsque j’aperçois un loup immense de l’autre côté. Enfin, non, pas un loup, je… je ne sais pas ce que c’est.

Je suis tétanisée, j’ai envie de m’enfuir mais mes jambes sont clouées au sol. Je parviens néanmoins à reculer et entends un deuxième grognement qui me fait sursauter. Un deuxième… loup se précipite sur le second.

J’ai à peine le temps de voir le deuxième sauter sur le premier que mes jambes acceptent enfin de m’obéir, me permettant de courir m’enfermer dans la salle de bain.

Je les entends se battre. Je ne comprends rien à ce qu’il se passe. Je ferme les yeux avec force, comme si tout allait disparaître si je me concentre assez fort. Puis, au bout de très longues minutes, j’entends un gémissement d’animal blessé, puis plus rien. Le silence.

Je colle mon oreille à la porte. Je crois entendre des… reniflements ? Comme quelqu’un qui pleure. Mais j’ai bien trop peur de sortir pour aller voir. Et si les loups étaient encore là ? Et si celui qui a gagné le combat veut en réalité me dévorer ? Et si –


« Yûya… ? »

… Jacob ? Sa voix est enrouée et tremblante, mais c’est bien la sienne.


« Yûya… ! »


Tant pis pour les loups : j’ouvre la porte et me précipite vers la porte d’entrée, que j’ouvre en grand. Je découvre Jacob qui porte mon frère, tous les deux dans un état misérable.

« Oh mon D– Yoa ?!

— Il va bien, ne t’inquiète pas. »

Ce n’est pas ce que semble indiquer l’expression de Jacob pourtant… ! Et c’est quoi ces énormes cicatrices sur son bras ? Et cette marque de morsure sur la cuisse ?


« Tu… Tu es sûr ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je… Je viens de voir deux… deux g-gros loups devant ma fenêtre, c’est d–

— Oui, c’était lui et moi. On peut entrer s’il-te-plaît ? J’aimerais le poser sur ton canapé ou ton lit, qu’il puisse dormir. »


… Quoi ?

Machinalement, je me décale vers la gauche et ouvre la porte pour les laisser passer. Jacob entre et va dans ma chambre déposer mon frère avant de fermer la porte et de revenir dans le salon, où je le rejoins.


« De quoi tu parles… ? Je comprends rien… »


Il se gratte l’arrière de la tête et pousse un profond soupir.


« Tu devrais t’asseoir, me dit-il en indiquant le fauteuil dans la pièce. »


Sauf que je suis bien trop agitée pour rester assise.


« Non c’est bon. Parle-moi, s’il-te-plaît. Comment ça, c’était vous ? »

Il se mord la lèvre inférieure, de nervosité sûrement, et me répond sans me regarder :


« Hm... Bon. Je vais commencer par le début, ça sera plus simple : je suis un loup-garou. »


Malgré moi, je sens la peur que j’ai éprouvé tout à l’heure remonter. Hors contexte, je n’y aurais pas du tout cru, mais je ne suis pas stupide au point de nier l’évidence, et ce que j’ai vu tout à l’heure…

Je fais un pas en arrière. Jacob ne semble pas en être surpris.


« Je suis né comme ça. Tu me croiras que si tu as envie, mais je ne suis pas dangereux en dehors des périodes de Pleine Lune. »


Il me raconte que Yoa l’a su le jour où ils se sont mis ensemble, puisque c’était la raison pour laquelle il le repoussait. Je me rappelle de ça, effectivement. Yoa ne m’a jamais dit pourquoi Jacob avait finalement cédé, ou ce qui l’avait retenu en premier lieu.

« Il m’a accepté comme ça sans problème, et je pensais qu’on en resterait là : un couple un peu atypique, mais c’est tout. Et puis, il y a quelques mois, juste après son emménagement avec nous, il a entendu mon père discuter avec d’autres membres de notre clan, et il a compris que nous autres loup-garous vieillissons bien plus lentement que les humains. On n’est pas immortels, sauf exception comme mon père qui a un jour été béni par la Lune, mais le fait est qu’on vit deux cents à trois cents ans de plus que vous. »


Je déglutis et hoche la tête. Jacob s’est déridé au fil de son récit, comme si ça lui enlevait un poids de me parler de tout ça. C’est peut-être vrai, je ne sais pas…


« Je ne sais plus s’il a abordé le sujet avec moi immédiatement, mais il a fini par me demander de confirmer ce qu’il avait entendu. N’y voyant aucun problème, j’ai bêtement dit « oui, c’est vrai ». Quel idiot, haha… »

« Il s’est énervé, en disant que c’était typiquement le genre d’informations qu’il fallait qu’il sache, blablabla. Au début je comprenais pas pourquoi ça le touchait autant, et il a fini par dire qu’il s’imaginait déjà qu’on vieillirait ensemble, et j’avoue que ça m’a fait… vraiment plaisir qu’il dise ça. En en même temps j’ai eu honte, aussi. »


Il renifle, et je réalise que c’est lui que j’ai entendu quand j’étais dans la salle de bain. Il a les yeux humides. C’est vrai qu’il vient de se battre avec mon frère, l’homme qu’il aime plus que tout, si j’en crois ce qu’il me raconte.


« Bref. Il m’a ensuite directement lancé sa bombe : ‘Ok, transforme-moi’, qu’il m’a dit.

— C-C’est lui qui a demandé ?!

— Jamais je ne l’aurais transformé sans son accord, me répond-il sèchement, probablement scandalisé que je puisse avoir pensé ça.

— Non, pas toi, je sais, mais… tu sembles dire qu’il y en a d’autres, des l-loup-garous, alors… »


Il se détend un peu et hoche la tête, avant de me rassurer en disant que sous sa protection, ça ne serait jamais arrivé. Soit.


« En tout cas, j’ai refusé catégoriquement. On s’est d’ailleurs disputé assez violemment à cause de ça. J’ai vraiment cru qu’il allait partir pour ne plus jamais revenir. Mais j’avais mes raisons. Je suis né comme ça, donc je suis habitué, je ne connais rien d’autre, mais c’est une malédiction, d’être un loup-garou. »

« Je ne vais pas rentrer dans les détails avec toi, pas tout de suite en tout cas, mais j’ai bien tout expliqué à Yoa, qui n’a absolument pas changé d’avis. On s’est fait la tête pendant une bonne semaine, puis il est revenu vers moi, on a à nouveau discuté, il a dit qu’il avait demandé conseil à mon père qui a eu des propos qui m’ont rassuré… et j’ai fini par dire oui. Je crois que ce qui a achevé de me convaincre c’est quand il m’a avoué qu’en vérité il y pensait depuis qu’il sait que je suis un loup-garou. Pas aussi sérieusement qu’au moment où on a eu cette conversation, mais quand même. Et ça m’a fait prendre conscience qu’il y avait vraiment bien réfléchi, et que ce n’était pas une décision prise sur le moment. Elle a simplement été un peu précipitée par ce qu’il a entendu, mais c’est tout. »


J’ai vraiment du mal à y croire. Et pourtant, je vois tout à fait Yoa agir de la sorte. C’est une vraie tête de mule quand il veut. Tête brûlée aussi. Les chats ne font pas des chiens, si vous voyez ce que je veux dire…


Mais ça n’explique pas ce qu’il vient de se passer. Pourquoi mon frère était en fureur devant chez moi ? Pourquoi Jacob a dû en venir aux mains pour lui faire reprendre forme humaine ?


« Et… Et ce soir… ?

— Ce soir… ce soir j’ai merdé. »

« Enfin, disons que j’ai pas été assez prudent. Ça fait un mois qu’il est transformé, et normalement à ce stade, il est stable. La Pleine Lune était il y a deux jours, et ça s’est aussi bien passé qu’on pouvait l’espérer, j’étais très confiant. En plus, normalement, les quelques jours qui suivent une Pleine Lune, on a du mal à se transformer car notre énergie a été entièrement dépensée à ce moment-là.

— M-Mais qu’est-ce qu’il s’est passé alors ? »

Il soupire à nouveau.


« On devait rejoindre Ingrid. On voulait te faire la surprise et venir te chercher tous les trois vers l’heure du dîner pour qu’on aille manger au pub du centre, à côté d’ici. Sauf que quand on est arrivé devant chez elle, on a entendu qu’elle se disputait avec sa mère. »


Oh non…


« On a entendu des propos vraiment affreux que je ne vais pas répéter. En tant que loup-garou on a l’ouïe très fine en plus, donc même pas besoin de tendre l’oreille, c’était comme si on était dans la même pièce. Et… moi ça m’a énervé, certes, mais Yoa… était visiblement moins stable que ce que je pensais. Sa colère, légitime, a déclenché de la fureur, et a provoqué une transformation incontrôlée. J’ai fait mon possible pour l’empêcher de rentrer dans la maison et sauter sur la mère d’Ingrid. Il a fini par fuir en direction de la forêt. Je lui ai couru après, mais impossible de le faire redescendre. J’ai réussi à le contenir dans la forêt pendant plusieurs heures, jusqu’à ce qu’il échappe à ma vigilance et se retrouve ici. Le reste, tu sais… Je ne pense pas qu’il t’aurait attaquée, mais juste dans le cas où il était incapable de différencier ami d’ennemi, j’ai préféré… employer la force pour l’assommer et lui faire reprendre ses esprits. »


J’observe Jacob, digérant ce qu’il vient de me raconter, enregistrant petit à petit les informations… et enfin, je réalise :


« Ingrid ! »


Je me précipite dans l’entrée et m’interromps net avant de sortir. Je regarde Jacob :


« On continuera cette conversation plus tard. Va dormir toi aussi, tu as l’air éreinté. Faites comme chez vous, et demain j’irais vous acheter des vêtements plus présentables. Je reviens. »


Et je claque la porte derrière moi, sans attendre qu’il me réponde.

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