J’ai mal à la tête… Pourquoi j’ai mal à la tête comme ça ? Et j’ai la bouche pâteuse, comme si j’avais rien bu depuis super longtemps…
J’ouvre les yeux. Je… Je connais pas cet endroit… Je suis où… ?
J’essaie de me rappeler de ce que j’étais en train de faire. Ah, on était sur la cage à poule avec Yoa… On a demandé à papa de venir jouer avec nous, mais il s’est fait retenir par une dame, et… Oh non… !
Je… J’ai vu un monsieur arriver par derrière et le… le frapper derrière la nuque… et d’autres gens nous ont attrapés, Yoa et moi. Je me rappelle d’un mouchoir qu’on m’a mis devant le nez et qui sentait très fort et très mauvais.
Instinctivement, je me frotte le nez à m’en faire mal. J’entends du bruit à côté de moi, et en tournant la tête je me rends compte que c’est Yoa, qui dort toujours.
Est-ce qu’on nous a… kidnappés ? Mais… Pourquoi ?
On… On n’a rien fait de mal, pourtant… Je me mets à pleurer, parce que je comprends rien… On est apparemment dans un bureau, avec plein de papiers, de boîtes et de bibliothèques miteuses.
La lampe sur le bureau éclaire très faiblement, comme si l’ampoule était vieille. Y’a que l’ordinateur qui a l’air en bon état.
Mon mal de crâne ne part pas, mais il faut que je réveille Yoa. Il faut qu’on rentre à la maison. Je me retourne, renifle et le secoue. Il se redresse en sursaut.
« Ah ! Yûya… »
Son soulagement de me voir ne dure pas quand il voit où on est.
« On… On est où… ?
— Je sais pas… »
Il vient s’asseoir à côté de moi, et je regarde à nouveau la pièce.
« On dirait… On dirait un repère de méchant, comme dans les films… »
Nous sursautons tous les deux très fort lorsque la porte de la pièce s’ouvre soudainement. Un homme entre. Il… Il a l’air ennuyé par… quelque chose.
« Ah, vous êtes réveillés. »
« V-Vous allez nous tuer ? demande Yoa, me faisant paniquer instantanément.
— Vous t- … ? Mais non, pas du tout. Je ne vais rien vous faire. Je veux juste discuter avec vous, réponds-il avec un sourire. »
C’est vrai qu’il ne fait pas très peur, contrairement aux méchants dans les films…
« Venez, on sera mieux dans le salon. »
Il tourne les talons et sort en laissant la porte ouverte. On échange un regard avec Yoa et je hausse les épaules avant d’emboîter le pas à l’homme. Peut-être qu’il dit la vérité ? Peut-être qu’il ne nous veut vraiment pas de mal ?
Je lève la tête lorsque j’entends des voix. La dame qui a interpelé papa et celui qui… qui lui a donné un coup sont assis l’un en face de l’autre en train de parler à une table. Ils ne nous regardent même pas lorsqu’on rentre dans la pièce avec l’autre homme.
« Asseyez-vous les enfants. »
On obéit. Il a dit qu’il nous ferait pas de mal, mais je veux quand même pas l’énerver…
« Détendez-vous, je vous promets que même si vous n’avez rien d’intéressant à me dire, il ne vous arrivera rien, ok ? Je vous ramène chez vos parents tout à l’heure. »
Lorsqu’il dit ça, les deux autres arrêtent brusquement de discuter et se tournent vers nous, sans rien dire. Mais le regard de l’homme me fait froid dans le dos… Autant je crois celui en face de nous quand il dit qu’il ne nous fera rien, autant je m’approche pas de celui-là… En plus, il a plein de cicatrices, il doit se battre souvent. Oncle Nino en a une grosse aussi, mais c’est pas pareil, il fait pas peur.
Je me tasse sur moi-même, le cœur battant à cent à l’heure. L’homme en face de nous le remarque et se tourne vers les deux autres.
« Vous leur faites peur, laissez-nous. »
Ils se lèvent et quittent le salon sans broncher, mais le monsieur en vert nous lance quand même un regard mauvais en passant. Je sais pas ce qu’on lui a fait mais je n’aime pas du tout son expression…
« Ignorez-le, il ne vous fera pas de mal non plus. »
Il sort de sa poche un papier et le pose sur la table.
« Est-ce que vous savez qui est cet homme ? nous demande-t-il. »
On se penche un peu et je me rends compte que c’est une photo. Et pas de n’importe qui.
« V-Vous allez lui faire du mal à lui ? »
« Quoi ? Non, non pas du tout. Hm… Je vais vous confier un secret, mais vous devez me promettre de ne le répéter à personne… D’accord ? »
J’échange à nouveau un regard avec Yoa et on hoche de la tête.
« Je suis ce qu’on appelle un policier sous couverture. Ça veut dire que je fais semblant d’être un méchant, alors qu’en fait je suis un gentil.
— A-Ah bon ?
— Oui. Mais il faut parler tout bas, les deux autres ne le savent pas… Eux, ce sont vraiment des criminels.
— C-C’est pour ça que vous leur avez demandé de partir ?
— Exactement. Comme ça je peux être honnête avec vous. Ça vous rassure un peu ? »
Je hoche timidement la tête.
« Je veux savoir ce que vous pouvez me dire sur cet homme parce que je pense qu’il peut m’être utile dans mon enquête, et ce, sans même le savoir.
— C-Comment c’est possible ? demande Yoa.
— Eh bien, des fois, on assiste à des choses qui nous semblent parfaitement normales, mais qui en fait ne le sont pas tant que ça, et ça peut beaucoup m’aider. »
Ça a du sens ce qu’il dit…
« Mais… Pourquoi nous avoir kidnappés ? C’est ce que font les méchants…
— Ah, mais je fais semblant d’en être un. Pour pouvoir m’infiltrer parmi les criminels et récolter des informations. J’ai même formé un faux gang sous un faux prétexte. Mais j’ai bien fais attention à ce que vous ne soyez pas blessés, parce que je ne veux que personne le soit, d’accord ? »
Son sourire est si gentil que… j’ai du mal à penser qu’il puisse nous mentir. Mais…
« Vous avez un badge pour le prouver ? »
Il semble surpris. Puis il se met à rire.
« Tu es intelligente toi. Oui, regarde. »
Il sort de sa poche quelque chose de brillant, et me le montre. On dirait un vrai insigne de policier ! … Alors, il dit vrai ? Je me sens soulagée d’un coup... !
« Alors, vous le connaissez, je présume ? demande-t-il à nouveau en montrant la photo du menton après avoir rangé son badge.
— Oui, c’est notre oncle Nino ! Enfin, c’est pas vraiment notre oncle, mais un peu quand même. »
« Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Ben, il vit avec l’oncle de notre maman, oncle Julian. Donc… Ce sont un peu nos oncles à nous aussi.
— Je crois qu’on dit « grand-oncle » normalement, ajoute Yoa, mais c’est trop long.
— Ils vivent tous les deux ? Ils sont en colocations ?
— Je sais pas, c’est comme ça qu’on dit quand on vit avec son amoureux ou son amoureuse ?
— … Non, une colocation c’est entre deux personnes qui sont, au mieux, des amis.
— Ah bah c’est pas ça alors. Ils se font limite plus de bisous que papa et maman, c’est dégoûtant. »
Je tire la langue de dégoût, ce qui fait rire Yoa. Lorsque je regarde à nouveau le policier, il a un air… étrange. Comme s’il réfléchissait intensément.
Et après, il fait un micro-sourire bizarre, avant d’attraper la photo.
« Vous connaissez son nom en entier ? Ça serait plus facile pour moi de le retrouver pour lui poser des questions.
— Euh… Costello ? C’est ça Yoa ?
— Oui ! Antonino et Julian Costello.
— Merci les enfants, vous m’avez été d’une grande aide. Venez, je vous ramène chez vous.
— Ah, monsieur le policier, vous nous avez pas dit comment vous vous appeliez. »
Il se lève et range la photo dans sa poche avant de nous faire un grand sourire, que je lui rends.
« Je m’appelle Sebastian Montès, mais vous pouvez m’appeler Sebastian. »
Comments