Chapitre 111

Les mois sont passés à une vitesse folle, et voilà que ça fait plus d’un an qu’on a emménagé ici. Mon travail à l’hôpital se passe toujours bien, j’ai changé de service plusieurs fois, et maintenant j’ai des rendez-vous avec des personnes qui veulent faire de la chirurgie de réassignation de genre. Mais assez peu, pour l’instant, normal. C’est juste pour que je puisse découvrir les lieux. J’ai pas mal parlé avec un-e des deux chirurgien-ne-s qui s’occupent de cette partie de la clinique, et elle a été très bienveillante et assez heureuse de ma motivation à intégrer ce service une fois mon diplôme de médecin en poche.

Aude, elle, travaille dans un cabinet d’avocats en temps qu’assistante juridique, mais elle n’en parle pas trop. Quand je lui demande si ça va à son travail, elle hoche la tête avec un sourire, mais c’est tout, et elle me pose plutôt des questions sur ma journée. Bon… Peut-être qu’elle traite des dossiers trop sensibles… ?

Enfin, si elle n’a pas envie d’en parler, je ne vais certainement pas la forcer, je respecte sa décision ! Surtout que je n’ai pas envie de l’énerver, j’ai quelque chose d’important à lui demander…

Vous allez me prendre pour un idiot complètement niais, mais… ok, voilà : je vais la demander en mariage*. Quand j’en ai parlé à Syrah, elle a éclaté de rire avant de dire « ça te ressemble bien, dis donc ! » et Aegis, je jure que je l’ai entendu secouer la tête de dépit. Bon, pas de vrai dépit, elle sera contente pour moi si Aude dit oui, mais elle trouve que je vais trop vite. Eh, ça fait super longtemps que je suis amoureux, j’appelle pas ça aller vite, moi !

« Pourquoi tu me regardes comme ça ? demande Aude. »

Aïe, c’est ce qui s’appelle se faire griller en beauté !

« Pour rien ! Tu es belle, c’est tout. »

Elle rosit légèrement et se penche pour m’embrasser la joue avant de se mettre devant l’ordinateur pour travailler un peu. Je ne vais quand même pas la demander en mariage dans notre salle à manger, ça me semble un peu… hm. Pas suffisamment bien !

J’ai prévu ça pour dans deux jours, la météo sera clémente normalement.

•

Sauf que le jour même, je n’en mène pas large… et si Aegis avait raison ? Je sais qu’elle n’a pas dit ça pour me faire stresser, mais si jamais Aude voit les choses comme elle, je risque de me prendre un refus dans les dents, et ça pourrait ne pas être super plaisant… Je sais qu’Aude est la femme de ma vie, je veux l’épouser et fonder une famille avec elle, mais peut-être qu’elle ne voit pas aussi loin que moi, et ça serait compréhensible…

Je l’ai amenée devant la fontaine à souhaits, sur la grande place, pas loin de chez nous. C’est ici que j’ai souhaité qu’on vive une vie heureuse, ensemble, tous les deux. Elle ne le sait pas, mais c’était important pour moi. Et puis, le cadre est plus romantique que l’intérieur de notre maison.

« Aude, je… j’ai quelque chose d’important à te demander… »

Elle a l’air intrigué, mais son sourire me donne la force de continuer.

« Ok… Ça fait très longtemps que je… que je t’aime, et… enfin, je…

— Ça fait plus d’un an et tu as toujours du mal à dire ce que tu as sur le cœur, je trouve ça assez adorable.

— Arrête de te moquer… »

Et sans plus de préambule, je mets un genou à terre.

« Aran… ?

— Aude, tu es la femme de ma vie, j’en suis persuadé. Je suis sur un petit nuage depuis l’année dernière, et je sais qu’on est destiné à vivre de grandes choses ensemble, toi et moi. Alors… est-ce que tu acceptes de m’épouser ? »

Son air choqué manque de me faire paniquer, mais bien vite, un sourire étire ses lèvres et elle hoche la tête. Tremblant, je lui mets la bague au doigt et elle s’approche de moi pour m’embrasser avec amour.

Pourquoi j’ai appréhendé comme ça déjà ?

•

On est rentré fêter ça dignement sous la couette, et après une longue discussion, nous avons décidé que nous ne voulions pas faire de cérémonie. On a pris rendez-vous à la mairie, et une semaine plus tard, nous étions officiellement mari et femme. On était trop impatients, je crois !

Probablement moi encore plus qu’elle. Je suis déjà en train de me demander où est-ce qu’on pourra mettre une chambre d’enfant… on en a déjà parlé, je sais qu’elle n’est pas contre le fait de devenir maman, mais elle a l’air beaucoup moins impatiente que moi. Il faut dire que Syrah m’a envoyé une photo de ma petite nièce Eyleen et elle a bien grandi !

Je me suis beaucoup occupé de mon neveu et de ma nièce quand j’ai vécu chez eux, et ça m’a un peu… enfin, ça a un peu forgé mon côté paternel, si vous voulez.

Il y a bien l’ancienne chambre d’Aude… Même si, comme vous le savez, elle n’a pas eu le temps de servir. Elle nous sert de chambre d’amis. On pourrait peut-être… faire des travaux pour en faire une nurserie ?

Je suis encore en train de faire des plans sur la comète, il faut que je me calme… !

Syrah est passée nous voir alors qu’elle avait un concert dans le coin, et je lui en ai parlé alors qu’Aude n’était pas encore rentrée du travail.

« Déjà que j’ai fais ma demande en mariage super tôt, j’ai peur qu’elle me prenne pour un forceur si je lui parle d’enfants seulement deux mois après notre mariage… »

« Elle a accepté de t’épouser, non ? Vous êtes mariés, c’est normal de discuter de choses comme ça. Au pire, elle te dira qu’elle n’est pas prête, et tu comprendras, j’espère.

— Oui, oui, évidemment… J’ai juste peur de la brusquer.

— Tu t’inquiètes pour rien. Tu es quelqu’un d’adorable, et elle le sait. Jamais tu ne la feras se sentir coupable de te dire non, je le sais bien. »

Qu’est-ce que je ferais sans Syrah, sérieusement ? En personne ou au téléphone, elle a toujours les mots pour me rassurer, c’est fou ! Il faut dire qu’elle me connaît par cœur, j’ai vécu dans ses pattes un petit moment.

Aude a fini par rentrer et elle nous a rejoints sur le canapé pour discuter. En début de soirée, le devoir appelle Syrah qui doit retourner à la salle de concert avant le grand jour demain.

« Bon courage ! Tu vas tout déchirer, comme d’hab’ ! Je suis trop dégoûté d’être de garde, j’aurai aimé te voir… !

— Tu m’as vue jouer suffisamment de fois, tu ne manques rien, je t’assure.

— Dis pas ça, roh… ! »

Aude l’encourage aussi ardemment, et après nous avoir fait un dernier signe, elle passe notre porte d’entrée. Je suis content de voir que ma sœur et ma femme s’entendent aussi bien !

« Aran ? »

Je me tourne vers elle et elle s’approche de moi.

« Tu devineras jamais…

—Qu’est-ce qu’il y a ?

— Un poste d’avocat s’est libéré au cabinet, et les chefs sont d’accord pour me prendre en entretien !

— Ooh c’est super ça ! Tu vois, ce n’était qu’une question de temps !

— Oui, je suis trop contente ! s’exclame-t-elle avant de m’enlacer avec force. »

Aude avait dû se contenter d’un poste d’assistante juridique pour l’instant (alors qu’elle a le barreau et tout hein !) puisqu’elle n’avait pas réussi à trouver d’emploi correspondant à Windenburg, en espérant que ça change. Et voilà que c’est fait !

« Bon, je n’ai pas encore le poste, hein…

— Certes, mais tu vas l’avoir, je suis sûr. Ils ont bien dû se rendre compte que tu es travailleuse et digne de confiance ! Ils vont forcément préférer t’embaucher toi plutôt qu’un ou une total-e inconnu-e ! »

Elle ne répond rien mais me fait un large sourire. Peut-être que je vais davantage entendre parler de son travail maintenant !