« J’ai vraiment du mal à me dire qu’on va vivre ici…, m’émerveillé-je alors qu’on arrive devant la maison.
— On a fait du super boulot pour la rénovation et la déco je trouve oui ! Et on est vraiment pas loin du centre, franchement t’aurais pas pu mieux choisir.
— Merci… »
Aude est venue me chercher à la gare, et malgré mon cœur qui tambourinait dans ma poitrine, ça n’a pas été étrange, puisqu’elle est avant tout mon amie. On a discuté et ris sur le trajet, et on est arrivé devant ce qui est, à partir de maintenant, notre maison.
« On rentre ? propose-t-elle. »
Pendant un instant, je ne réponds pas, et je l’observe. Elle est toujours aussi belle…
« Allô, la Terre appelle Aran ! »
Je secoue la tête. Quel idiot !
« Oui, pardon, je… je pensais à autre chose. »
Elle me regarde bizarrement mais ne dit rien et me précède dans la marche.
Il faut que je fasse attention, parce qu’avec ce genre de comportement, je vais me griller direct… Et temps qu’à faire, j’aimerai lui en parler, pas qu’elle le devine… !
« Alors ? C’est chouette quand même non ? Très violet, comme tu le voulais !
— C’est carrément trop cool ! T’es sûre que ça te gêne pas, la couleur ?
— Non, vraiment pas ! C’est assez harmonieux malgré tout, donc ça me va ! Et j’ai un gros faible pour le meuble-télé… Classe quand même… ! »
On a bien géré, y’a pas à dire.
On s’installe au bar pour manger un morceau après notre long voyage (c’est qu’elle remonte à quelques heures maintenant la part de gâteau de ma sœur !), et une fois nos grignotages terminés, Aude se tourne vers moi :
« Bon, maintenant, ‘faut qu’on parle.
— Hein ? De quoi ? J’ai fais quelque chose qu’il ne fallait pas ? »
« Mais non, idiot. Enfin… C’est plutôt que t’as pas fais quelque chose qu’il aurait fallu faire, peut-être, mais je suis coupable aussi alors, donc bon.
— … Quoi donc ?
— Tu comptais m’en parler quand, de tes sentiments pour moi ? »
Et elle me demande ça avec un grand sourire ?! Je fais quoi là ?!
« Tu devrais voir ta tête, elle est absolument excellente !
— C-C’est pas drôle Aude…
— Oh arrête, tu crois vraiment que j’aurai balancé ça comme ça sans raison ?
— De quoi tu parles ?
— T’es bien un mec hein, ‘faut tout te dire… »
Sans plus de cérémonie, elle m’incite à me lever et m’enfoncer davantage dans le salon avant de m’attraper par la nuque pour m’embrasser comme personne ne m’a jamais embrassé avant. Wouah…
Bon, du coup, en fait, on n’a… on n’a pas trop parlé, ce soir-là. Ni vraiment profité de la maison. On a pas mal exploré le placard de la chambre à l’étage, par contre.
Au petit matin, lorsque le réveil a sonné, j’ai eu un mal fou à me lever, mais plus tellement à cause du stress de la première journée, mais plutôt parce que Aude dormait contre moi, et que je n’avais pas envie de la réveiller. Mais le devoir m’a appelé, alors je suis sorti du lit et je me suis rendu à l’hôpital de Windenburg. Ça fout le cafard un peu les couloirs blancs à n’en plus finir, mais je commence à m’habituer, ce n’est pas mon premier stage en hôpital après tout.
Je ne vais pas, pour l’instant, travailler dans la partie réassignation de genre, mais avec les autres patients. Je me suis dis que j’allais commencer plus général, et me spécialiser plus tard, ça me semble important.
« Et voilà, c’est fini mademoiselle, vous êtes tirée d’affaire.
— Vous êtes sûr… ?
— Certain !
— D’accord… Merci docteur. »
« Oh, un bon 39, il va falloir se reposer jeune homme.
— Oui… »
Aider les gens, ça a toujours fait partie de ma vocation, donc même si ce n’est pas exactement le domaine dans lequel je veux me spécialiser, ça me va de m’occuper des consultations classiques pour le moment. Et les patients sont généralement très sympas, surtout les enfants.
J’apprends déjà plein de choses, et dès ma première journée, on me laisse pas mal d’autonomie, c’est chouette !
« Ça va, tu t’en sors Aran ? me demande mon collègue Rua.
— Oui, oui, pas de soucis ! »
Autonomie certes, mais on me demande régulièrement si ça va, si jamais je suis perdu, ce qui est plutôt bienveillant de leur part. Je sens que je vais adorer travailler dans cette clinique !
•
Quand je suis rentré le soir, Aude était déjà là, devant la télé. Je me suis assis à côté d’elle, légèrement gêné. C’est vrai, on n’a… on n’a absolument pas parlé de ce qu’il s’est passé hier soir. Moi je connais mes sentiments, mais elle… ? Est-ce qu’elle voulait juste s’amuser en voyant que je ne serais pas contre ? Ou alors elle est comme moi… ?
« Oula, détends-toi, on dirait que t’as avalé une brique…, me taquine-t-elle en guise de bonjour.
— J’ai passé une bonne journée merci, et toi ? réponds-je en souriant, la faisant rire. »
Un silence s’installe à nouveau, puis je me tourne vers elle.
« Dis-moi, Aude… Est-ce que… est-ce que ça veut dire quelque chose pour toi, ce qu’il s’est passé hier soir ? »
« Tu veux dire, à part que t’es le meilleur coup que j’ai jamais eu ? C’est la danse ça, je suis sûre. »
Je pique un fard monstrueux et lui donne un léger coup dans l’épaule, la faisant rire à nouveau. Elle m’a toujours beaucoup taquiné, mais bon, là, j’aimerai bien qu’elle soit un peu sérieuse ! Je le lui dis, d’ailleurs, et elle répond :
« Ah mais je suis très sérieuse ! Enfin, je sais bien que ce n’était pas exactement ça la réponse que tu attendais. »
Elle me prend la main et me regarde dans les yeux.
« Je t’aime, Aran. Je ne sais pas ce qui a pu te faire penser que je t’ai sauté dessus comme ça juste pour m’amuser alors que tu es mon meilleur-ami, mais c’est faux. J’ai réalisé que ça faisait longtemps que tu me regardais avec des cœurs dans les yeux un peu après ton départ à l’université, et notre séparation forcée m’a aussi fait prendre conscience de mes sentiments. Ils dépassaient finalement bien ceux de l’amitié. Je suis désolée d’avoir été aussi… directe, on va dire, mais j’ai tellement attendue que j’ai juste craqué. Et comme tu ne m’as pas repoussée… Je m’excuse, ce n’était probablement pas la meilleure manière de faire. »
Je la regarde un instant, bouche bée, encaissant tout ce qu’elle vient de me dire. Mais la seule chose qui me vient à l’esprit comme réponse, c’est ça :
« Je t’aime aussi, Aude… »
Elle me fait son plus beau sourire ainsi qu’un petit bisou, avant de se reculer.
« Bon et cette première journée en temps que médecin, c’était comment ?
— Épuisant, mais très formateur ! Ça va bien se passer, j’en suis sûr.
— Mais oui, évidemment, qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? »
Oui c’est vrai ça, autant profiter de l’instant présent.
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