top of page

Chapitre 105

  • Photo du rédacteur: ongatheringsims
    ongatheringsims
  • 21 févr. 2022
  • 5 min de lecture

Voilà trois semaines que Syrah a été hospitalisée d’urgence. Elle n’est pas retournée au travail depuis, même si elle a pu rentrer à la maison au bout d’une semaine. Papa et maman sont révoltés, je ne les ai jamais vus aussi en colère. Je n’ai jamais été si en colère.


Dans les faits, ce qui est arrivé, aussi atroce que cela soit, a des conséquences positives. Max a appelé la police ce jour-là, et elle a pu appréhender les agresseurs. Toujours les mêmes… mais là, ils en sont venus aux mains, et fils de PDG ou pas, ils deviennent beaucoup plus difficiles à protéger, puisque cette fois-ci, il y a des preuves tangibles : les coups qu’ils ont administrés à ma sœur ont laissé des traces.


Physiques.


Psychologiques.


Si vous saviez comme je les hais.



« T’es sûre que tu ne veux pas manger ?

— Non, merci… »

ree

Je baisse les yeux mais n’insiste pas. Peut-être que demain ça ira mieux. Je quitte sa chambre et referme doucement derrière moi.


Depuis l’agression, Syrah a un comportement... inconstant, on va dire. Parfois on a l’impression que ça va, elle mange, elle passe du temps avec nous et avec Max qui passe tous les jours, et parfois… elle reste enfermée dans sa chambre, elle pleure et ne veut rien avaler. Je ne m’avoue cependant jamais vaincu et essaie à chaque fois de la convaincre de manger quelque chose, mais ça ne marche pas beaucoup.


Elle voit quelqu’un, pour l’aider à se remettre du traumatisme, et je crois percevoir un mieux. Mais très honnêtement, je ne serais tranquille que quand ces enfoirés payeront pour ce qu’ils ont fait à ma fille.



« Le PDG ne soutient absolument pas son fils dans ce qu’il a fait. On se doute que ce n’est pas réellement par soutien pour Syrah et plus parce qu’il donne une mauvaise image de la boîte, mais le résultat est le même, on va avoir beaucoup moins de mal que prévu à le faire condamner.

— Merci pour ce que tu fais, Albae…

— Eh, c’est normal, c’est ma nièce, et on touche pas à ma famille. »

ree

Je souris malgré moi, mais bien vite je sens mon cœur se serrer. Ils vont être condamnés, et après ? Le mal est fait, et comment ma fille va faire pour s’en remettre, maintenant ?

ree

« Eh, Lana… On va être là pour elle, t’inquiète pas.

— Je sais bien Alby, mais… tu ne la vois pas tous les jours… Des fois ça va, mais le lendemain, c’est de nouveau un fantôme, et j’ai… j’ai peur qu’elle ne s’en remette jamais, tu comprends ? Tout ça parce que des abrutis ont décidé qu’ils avaient le droit de tabasser gratuitement des gens pour des raisons totalement injustes ? »

ree

Elle ne répond pas. Qu’est-ce qu’elle peut répondre, en même temps ? Elle se contente de me faire un sourire rassurant et me prend dans ses bras.


Je fonds en larmes. Encore.



Tous les jours, j’appelle maman pour avoir des nouvelles de Syrah. Dès que je rentre du travail. C’est devenu une routine. Enfin, des fois j’appelle Valentin, des fois Aran… Mais Syrah, elle, ne décroche jamais. C’est pas faute d’avoir essayé.


« On travaille avec la police des fois, alors j’en ai profité pour demander à des collègues s’ils avaient entendu parler de ça, lui dis-je un soir lors de notre appel quotidien.

— Ah, et donc ?

— Ils m’ont dit qu’ils allaient se renseigner. Mais Albae doit avoir ces informations normalement, maman. »

ree

Je l’entends soupirer à l’autre bout du fil.


« Je me doute… Mais je n’ose rien lui demander, et je sais qu’elle ne me dira rien si je ne la sollicite pas, pour ne pas alourdir la charge émotionnelle. Elle ne me donne que les vraies bonnes nouvelles. »

ree

« Je comprends, maman. Si tu veux, je fais pareil, si je n’ai rien de bien important à te dire, je ne dis rien.

— Fais comme tu le sens ma chérie.

— Comment va-t-elle aujourd’hui ?

— Elle a mangé, un peu. Et je crois qu’elle a essayé d’apprendre à Aran quelques accords à la guitare. C’était assez cacophonique dans la chambre… »

ree

Je ne peux m’empêcher de rire.


« Max est passé ?

— Oui. Apparemment, l’ambiance est un peu morose au bureau. La plupart de leurs collègues sont touchés par ce qui est arrivé à Syrah, et ça met du baume au cœur de savoir ça. »

ree

« C’est sûr. Et il a des nouvelles pour savoir s’ils ont été licenciés ?

— Non, on ne leur communique pas dessus. Pour l’instant, ils sont officiellement encore en mise-à-pied.

— C’est incroyable ça quand même… Ils ont fait preuve d’une extrême violence sur leur lieu de travail et ils ont une mise-à-pied ? J’ai du mal à imaginer que ça puisse être possible. Surtout qu’Albae t’as dis que le PDG ne soutenait pas son fils, c’est ça ?

— Oui, mais tu sais, ça ne m’étonnerait pas qu’ils ne disent tout simplement pas tout aux employés. »

ree

Je fronce les sourcils. J’espère que c’est ça, et pas une mauvaise surprise.


« Ok maman. Embrasse tout le monde pour moi, ok ? Je vais faire un petit topo à papa, il s’inquiète.

— D’accord. Bisous à vous deux, et à demain. »


Je racroche et pose mon téléphone sur l’îlot de la cuisine.


Mes yeux piquent.



Mes doigts pincent les cordes et les grattent doucement alors que la mélodie d’une de mes ballades de rock préférée s’élève dans les airs. Cette chanson a toujours su m’apaiser, et aujourd’hui ce n’est pas différent. Je sais que tout le monde s’inquiète pour moi, et ça me fait éprouver des sentiments contraires. D’un côté je suis heureuse d’avoir une famille qui partage cette épreuve avec moi et me soutient avec ferveur, et de l’autre, je me sens terriblement mal de leur imposer une telle épreuve.

ree

Le pire, c’est que je… je ne pourrais pas y retourner. Même s’ils ne sont plus là. C’est impossible… Max m’affirme que tous mes collègues me soutiennent, mais ce n’est pas tellement la question. Je suis émue, bien sûr, mais c’est facile de me soutenir maintenant qu’ils ont fait ce qu’ils mourraient d’envie de faire depuis longtemps. Il n’y a vraiment que Max qui m’a soutenue, finalement. Je n’ai pas envie de retourner là-bas.


Je change de chanson pour une autre qui est plus rythmée et je murmure les paroles. La musique a toujours été ce qui m’a soulagée, depuis le moment où la dysphorie a commencé à me mener la vie dure. Peut-être que ça ne serait pas si horrible d’en faire ma vocation…


Dreaming of a world


I can hear the future calling me


Only a believer gets to see*


Oui, je peux peut-être y croire.

ree

• BONUS •


* Extrait de la chanson Bang! du guitariste et chanteur japonais MIYAVI. Les paroles signifient, entre autres, que le futur dont on rêve ne peut devenir le monde de demain que si on y croit.

Comments


bottom of page