Chapitre 1
- ongatheringsims
- 22 mars 2022
- 6 min de lecture
Je hoche la tête alors que Leslie me raconte en détail son dernier procès. Depuis qu’il est devenu officiellement juge il y a quelques mois, il ne manque pas d’histoires à me raconter en rentrant du travail.

Si, à la fin du lycée, on m’avait dit que je l’épouserais, je pense que j’aurais beaucoup ris. J’ai toujours trouvé Leslie charmant, mais je n’avais qu’un seul garçon dans la tête, et ce n’était pas lui. Mais le fait est qu’après la trahison de Tray, il a été là pour moi, avec Haki. Ça a été tellement facile de tomber amoureuse de lui après plusieurs mois de réconfort de sa part. Il n’a même pas cherché à en profiter, c’est moi qui aie fait le premier pas.

Mon père a été extatique quand il l’a appris, mais je lui ai bien fait comprendre que c’était trop tard. Il a été odieux avec moi, je n’allais certainement pas faire comme s’il n’avait pas menacé de me mettre à la porte. Je ne lui parle plus aujourd’hui. A mon mariage, je n’ai invité que ma mère, mon frère et ma sœur. J’ai dû tirer un trait sur son argent, et par conséquent sur des études supérieures, mais peu importe, il m’a trop déçue. Je pense que je l’aimerais toujours, quelque part, mais je veux qu’il sache que ça a vraiment été un abruti superficiel.
Aujourd’hui, Leslie et moi vivons à Newcrest, dans une grande maison généreusement offerte par ses parents quand il a officiellement été diplômé de son école de magistrature. Ils n’ont pas fait dans la demi-mesure… Je ne sais pas combien ils pensent que nous aurons d’enfants, mais vu la taille… beaucoup.
Je suis devenue la parfaite femme au foyer… malgré le fait que je n’en avais pas la moindre envie.

Après mon altercation avec mon père, j’ai été vivre avec Leslie chez ses parents, et j’y suis restée tout le long de ses études. Sa mère a insisté pour que je ne trouve pas de petit boulot et que je l’aide plutôt à prendre soin du domaine. Je n’ai pas pu refuser. Ainsi a commencé une sorte de routine, et quand j’ai vu la taille de notre maison ensuite, j’ai compris qu’elle s’attendait à ce que je fasse de même ici. Je sais que Leslie ne m’empêcherait pas de trouver du travail si je le voulais vraiment, mais il a aussi été élevé dans cet esprit archaïque de l’homme qui travaille et la femme qui reste à la maison avec les enfants. Et j’avoue que je suis fatiguée que les gens que j’aime me regardent avec déception… alors je laisse faire. Je ne suis pas malheureuse pour autant, même si je m’ennuie un peu. Qui sait, peut-être que dans pas si longtemps, j’aurais un bambin dans les pattes qui occupera tout mon temps ?
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Heureusement que Willow Creek et Newcrest ne sont pas très éloignées, ça me permet de voir régulièrement Haki, de qui je suis toujours aussi proche. On s’est très peu vues pendant ses années à l’université puisqu’elle a fait ses études à Britechester, à l’autre bout du pays, mais nous n’avons jamais perdu contact. Elle vit seule, pour l’instant en tout cas, alors je peux l’accaparer à loisir plusieurs soirs par semaine ! Comme ce soir, où nous nous sommes retrouvées pour faire un bowling, comme souvent.
Mais clairement, on a beau ne pas être à notre coup d’essai… je suis toujours aussi nulle. Je me suis fais mal, et en plus je n’ai même pas réussi à lancer la boule sur la piste !

Haki est meilleure que moi… pas que ça soit très difficile, je le conçois.

Bon, sans surprise, elle a gagné, cette fois-ci.
« Il va vraiment falloir que je m’améliore, tu me mets la honte toutes les semaines…, grommelé-je en souriant.
— Ça finira par venir avec la pratique chaton ! »

Facile à dire, elle a maîtrisé tout de suite elle !
J’insiste pour qu’on change de jeu, alors nous montons à l’étage pour faire une partie de babyfoot. Normalement, je suis meilleure qu’elle, là…

« Est-ce que tu ne serais pas une mauvaise perdante, par hasard ? me taquine-t-elle.
— Ça sera toi la mauvaise perdante quand je t’aurais mis la misère ! »
Et quelques buts plus tard, je peux enfin crier victoire.
« Ha ! J’te l’avais dis ! »

Son regard en dit long par contre : c’est loin d’être une mauvaise perdante.

Oui, bon… Personne n’est parfait.
Épuisées, on va s’installer sur un canapé dans la même salle, et on discute, on se met à jour sur nos vies, ce qu’il s’est passé depuis la dernière fois… il y a trois jours. Ce genre de choses. Mais on plaisante surtout, et c’est ça qui me fait du bien quand je la vois. Elle est ma bouffée d’air frais, ma rupture dans ma vie monotone ! Qu’est-ce que je ferais sans elle, hein ?
Au bout d’une bonne heure, elle baille à s’en décrocher la mâchoire, et m’annonce qu’elle va rentrer. Je suis un peu déçue, il n’est pas si tard, mais elle travaille demain, contrairement à moi, alors je comprends. Je la prends dans mes bras et lui fais promettre de m’appeler dans la semaine.

Je la suis jusqu’en bas et lui fais un dernier signe de la main alors qu’elle part dans une direction opposée à la mienne.
Alors que je commence à peine à me mettre en marche de mon côté, une voix m’interpelle :
« Kelita ? C’est toi ? »
Je m’arrête net. Dites-moi que je rêve.

Je me tourne lentement, et remarque que mon ouïe et ma mémoire ne m’ont pas fait défaut : c’est bien Tray que j’ai en face de moi.
« Qu’est-ce que tu veux ? »

Je suis sur la défensive, mais qu’est-ce que j’y peux, hein ? Ça fait des années qu’on ne s’est pas croisé, et on ne s’est pas exactement quitté en bons termes…
« J-Je savais bien que c’était toi… Ça me fait plaisir de voir que tu as l’air d’aller bien. »

Qu’est-ce qu’il me chante ? Il veut juste faire la causette ? Il a la mémoire courte ou quoi ?
« Hm… Je… Je t’ai vue quand tu es descendue, et je me suis dis que ça serait probablement ma seule chance, alors voilà : je rumine ça depuis… depuis ce fameux jour, mais je voulais m’excuser. Je sais que t’en as probablement rien à faire, mais je me sens encore vraiment comme une merde pour ce que je t’ai fais, et je le regrette sincèrement. Ce… Ce baiser avec Rose était le premier, mais ça n’a pas été le dernier, et ça n’aurait sûrement pas été le cas non plus même si tu ne nous avais pas surpris, alors je… j’ai vraiment été un abruti. »
Je l’observe un instant, un sourcil haussé. Ça, c’est le moins qu’on puisse dire.
« C’est tout ? Tu voulais juste te soulager la conscience ? »

Il a l’air paniqué. Il veut que j’accepte ses excuses, comme ça ? Facile à dire.
« Je… J’ai épousé Rose, tu sais. »
Étrangement, cette information me rassure un peu, et je me détends.
« Contente de voir que tu ne m’as pas trompée pour une amourette de passage, réponds-je avec un ton moins sec, moins froid. »
Il doit le sentir, puisqu’il semble se revigorer.
« Je ne mérite pas ton pardon, je le sais, mais… le fait est que tu m’as beaucoup manqué, ces dernières années. Pas… pas dans un sens romantique, hein ! s’empresse-t-il de se justifier, manquant de me faire sourire. Mais… on délirait bien, tous les deux. On avait une bonne alchimie, c’était sympa… »
Je ne peux m’empêcher de hocher la tête. C’est vrai.
« Tu as le droit de dire non, bien sûr, mais je me demandais si… si tu accepterais qu’on redevienne copains ? Pas besoin de parler d’amitié pour l’instant, mais juste… se reparler, peut-être ? »

La lueur d’espoir dans son regard penaud manque de me faire flancher immédiatement. Je l’ai beaucoup diabolisé, mais là, il me fait penser au Tray du lycée, à mon Tray, le garçon que j’ai aimé contre toute attente. Je soupire et détourne le regard. J’ai envie de le croire, j’ai envie de croire qu’il est tombé tellement amoureux de Rose qu’il en a oublié tout le reste, comme en témoigne leur mariage, et qu’il est sincère dans ses excuses.
« Je sais pas, Tray… J’ai beaucoup souffert des suites de notre rupture, tu sais.
— Je me doute… et j’en suis navré. J’aimerais beaucoup me racheter, mais je ne pourrais pas le faire si tu ne me laisses pas revenir au moins un peu dans ta vie. Et de ce que je sais, tu es mariée à Fernsby maintenant, non ?
— Comment tu sais ça ? Tu m’espionnes ? demandé-je en plissant les yeux.
— Haha, non, pas du tout ! C’est juste que… je travaille dans le même tribunal que lui. Pas au même poste, bien sûr… je suis simplement secrétaire juridique. Mais du coup, les gens parlent, alors… j’ai entendu ça. C’est également comme ça que j’ai su que vous habitiez aussi à Newcrest. C’est tout. »
Comme le monde est petit. Je décroise les bras et secoue la tête en souriant.
« Laisse-moi y réfléchir. Il faut que je fasse le point sur… toute cette conversation.
— Oui, bien sûr… ! »
Sur ce, je tourne les talons, mais me retourne pour lui dire :
« J’ai toujours ton numéro, alors je t’enverrais un message, quelle que soit ma réponse. »

Il hoche la tête et me fait un signe de la main. Quelle fin de soirée étrange…
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